Un coup d’épée dans l’eau. C’est dommage, car Poil de carotte, fameux roman de Jules Renard, constitue une base de choix, un matériau solide pour construire une adaptation en BD. Mais si le dessin de Renaud Collard réussi à convaincre, le découpage scénaristique de Corbeyran fait chou blanc.
Le jeune Poil de carotte fait les frais de sa différence avec son frère et sa sœur. Rouquin, l’enfant devient le souffre-douleur et la proie de ses parents, en particulier sa vilaine mère. Aller fermer les poules, la nuit dans le noir, effectuer l’ensemble des basses besognes ménagères et ne pas avoir le droit de manger la même chose que les autres : un traitement de faveur lui est imposé.
Si le texte de départ est aussi subtil dans l’écriture que triste, le découpage en petits chapitres choisi ici par Corbeyran, passe complètement à côté de la narration originale, donnant un album bien trop court et peu approfondi. Le récit n’a pas la force nécessaire et ne permet pas au dessin de Renaud Collard d’éclore, malgré un potentiel évident.
Car le trait est soigné, tout autant que les couleurs vives et éclatantes d’Isabelle Rabarot. On se dit alors que l’idéal aurait été d’opter plutôt pour le livre original illustré par les soins d’un dessinateur réceptif à cette histoire symbole de l’enfance martyre. Ses personnages pleins d’expressivité et son décorum en mouvement permanent méritaient bien mieux.
Partir d’un livre culte, malgré la puissance d’une histoire fabuleuse, ne suffit pas toujours à en tirer une bonne adaptation. Ce Poil de carotte en est la preuve, même s’il a un mérite déjà considérable : nous donner l’envie de relire cette œuvre magistrale. Sur laquelle, adulte, on ne peut que porter un regard différent par rapport à une lecture enfantine.