Juan Diaz Canales révèle une nouvelle facette de son talent avec l’album Au Fil de l’eau, qu’il signe à la fois au scénario et au dessin. Et si dans cet album, c’est avant tout d’émotion qu’il s’agit, l’auteur n’a en rien oublié le secret d’un scénario bien ficelé.
Dans une Espagne fortement touchée par la crise, une bande de vieillards squatte les coins de rues pour revendre quelques bricoles, arrondir leurs fins de mois et surtout jouer aux cartes. Liés par l’Histoire, la guerre et leur âge avancé, ils détiennent un secret. Mais un jour, l’un d’entre eux est retrouvé assassiné, et c’est les uns après les autres qu’ils quittent ce monde dans d’étranges circonstances. Lorsque Niceto disparaît, son fils et son petit-fils craignent le pire et se lancent à sa recherche. Mais ils sont loin d’imaginer ce que cette quête va leur révéler...
Pour son premier album en tant qu’auteur complet, Canales n’a pas complètement abandonné son registre de prédilection, le polar. Mais bien vite, l’on comprend qu’il n’est qu’un alibi pour l’auteur qui s’attache surtout à questionner l’humain. Il aborde avec émotion la difficulté d’accepter la mort qui vient, la vie qui continue et de son infime place sur terre. En arrière-plan, l’Espagne actuelle, qui se démène entre les conséquences de la crise et ses vieux démons fascistes, donne à ce polar sa dimension sociale.
Canales a fait le choix du noir et blanc, parfaitement maîtrisé, pour donner à l’histoire cette mystérieuse profondeur. Les personnages y gagnent force et caractère tandis que les moments de tension prennent en intensité.
Le scénariste de Blacksad sort des sentiers battus pour surprendre tout en gardant sa patte de génie. C’est avec curiosité et impatience que l’on attend déjà la sortie de sa prochaine œuvre en tant qu’auteur complet !