L'homme du Nil

L’Homme du Nil par Sergio Toppi retrace les derniers jours du fort de Khartoum au Soudan et de son général, Gordon Pacha. En 1976, Toppi inaugurait avec ce récit la toute jeune collection Un Homme, une aventure lancée par l’éditeur italien Sergio Bonelli. Cette collection, regroupant bon nombre de talentueux auteurs italiens (Buzzelli, Crepax, Manara, Pratt,…), laissait le champ libre aux auteurs et à compter une trentaine d’albums en tout.

1884, le fort de Karthoum au Soudan est assiégé par les forces du prédicateur Muhammad Ahmad Ibn Abd Allah, qui affirme être le Mahdi, « Celui qui est guidé par Dieu ». Ce dernier mène une guerre face aux égyptiens, en partie responsable de la crise économique et sociale soudanaise résultant de l’abolition de l’esclavage. Les 7000 hommes du général Gordon qui tiennent le fort font pâle figure contre les 50 000 guerriers mahdistes qui sont en face.

Quelques jours avant la chute de la place forte, un espion est recueilli. Errant sur le Nil Blanc, cet homme se révèle être finalement un journaliste anglais, qui a traversé les lignes ennemis en se grimant afin de passer inaperçu. Bob Wingate est un correspondant de guerre à la Pall Mall Gazette arrivant directement de Londres pour interviewer le général Charles George Gordon, tenu en très haute estime à Londres. 
Dans l’attente d’une entrevu avec le général, Wingate va découvrir la précarité dans laquelle vivent les gens au sein de Khartoum. Et verra avec horreur une attaque de ses yeux. La place forte a été savamment protégé par Gordon, des lignes de mines cachées dans le terrain vague, du verre pilés qui déchirent les pieds nus des soldats mahdistes et pour finir des barbelés sur lesquels des cadavres s’amoncellent. Voici le quotidien des hommes de Khartoum, de l’attente et la folie de la guerre. 
Wingate passe quelques journées avant de rencontrer le Général Gordon. À la suite d’une courte entrevue, celui-ci le somme de partir au plus vite, à la faveur du petit matin afin de prévenir les lignes anglaises à quelques jours de marche de les rejoindre a plus vite pour sauver la place et ses hommes. Mais la demande du Général est ardue à honorer pour le journaliste, qui vivra l’enfer pour s’en sortir.

L'Homme du Nil
©Mosquito, 1978

Ce récit est une adaptation extrêmement convaincante d’un fait historique. Toppi nous subjugue grâce à son graphisme, fait de trames et d’une gestion hors du commun des masses de pleins et de vides. L’histoire va à l’essentiel, le découpage est clair et sans fioritures ce qui nous permet d’avoir un récit complet important avec une pagination classique de 48 planches. Pour autant, l’auteur nous autorise des respirations qui tombent toujours à point nommé, par exemple lors de la rencontre entre Wingate et Gordon dans ce magnifique jardin suspendu. 

Mention particulière à la maison d’édition Mosquito, dont les albums sont à chaque sortie de petites perles, ainsi qu’à Monsieur Marc-Antoine Jans qui nous gratifie d’une préface nous posant le contexte historique, ce qui nous permet d’apprécier d’autant plus les planches de Sergio Toppi.