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Miracleman

couverture de l'album Miracleman

Éditeur : Delcourt

Scénario : Alan MooreDessin : Garry LeachColoriste : Garry Leach

Genres : Fantastique

  • ZOO
    note Zoo5.0

    Scénario

    5.0

    Dessin

    5.0
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Le synopsis de l'album Miracleman

Depuis toujours, le journaliste indépendant Michael Moran a le sentiment d'être différent. Un jour, pris dans une série d'évènements inattendus, il récupère la capacité de convoquer son surpuissant alter-ego : Miracleman. Après avoir disparu pendant près de deux décennies, Miracleman va devoir affronter un ennemi surpuissant revenu de son passé, tout en essayant de découvrir la vérité sur ses origines. De son côté, Michael Moran devra lui se faire à l'idée de partager son existence de simple mortel avec un demi-dieu... Un illustre auteur a autrefois poussé à son paroxysme le concept du super-héros à travers plusieurs œuvres marquantes, dont Miracleman fait partie. La série se voulait en effet être un hommage aux premières aventures du super-héros créé en 1954 par Mick Anglo tout en proposant une réflexion autour du mythe du surhomme. Le destin éditorial du personnage et l'approche radicale du scénariste achevèrent de conférer un statut...

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La critique ZOO sur l'album Miracleman

Quand bien même les prix exorbitants de Panini peuvent parfois rendre leurs albums inaccessibles, parmi toutes ces énièmes sorties Marvel, un titre se distingue, discrètement, cet omnibus de Miracleman. L’éblouissante plongée dans l’un des premiers chefs-d’œuvres d’Alan Moore.

Aujourd’hui, quand on nous parle d’Alan Moore, on pense à Watchmen, à Swamp Thing, peut-être même à From Hell… Mais à ses débuts, le scénariste anglais, au sein du magazine Warrior, a animé deux de ses meilleures séries, d’une part le sombre et crépusculaire V pour Vendetta, mais surtout Marvelman. Il revisitait, pour l’occasion, le mythe du héros surpuissant, dépoussiérant plus de 50 ans de martelage idéologique américain, avec une vision très personnelle, radicalement moderne et d’une rare puissance.

Couverture de Watchmen

Couverture de Watchmen © Alan Moore et Dave Gibbons - Urban Comics

Une histoire éditoriale compliquée

À l’origine du personnage de Marvelman, il y a Captain Marvel. Créé par C. C. Beck et Bill Parker pour Fawcett Publications, à partir de 1940, le personnage est très fortement inspiré de Superman et de son univers. Très vite, le héros va remporter un très gros succès, surpassant même les ventes du kryptonien de DC. Au point où en Angleterre, il inspira une copie extrêmement fidèle, Marvelman, créé en 1954 par Mick Anglo, pour L. Miller & Son, Ltd, dans l’espoir de « profiter » du succès de son modèle US.

Cependant, à partir de 1953, DC, voyant d’un mauvais œil le succès de Captain Marvel, intente un procès à Fawcett, qui a le malheur de ne pas avoir d’aussi bons avocats que son adversaire, et obtient l’arrêt immédiat de tous les titres de l’éditeur. Il faudra attendre une dizaine d’années, 1963, pour que les répercussions de l’affaire frappent à leur tour les titres du Studio Anglo et oblige l’éditeur anglais à stopper d’une part ses publications et à se déclarer en banqueroute dans la foulée.

Captain Marvel Adventures (1941-1953 Fawcett) comic books 1953

Captain Marvel Adventures (1941-1953 Fawcett) comic books 1953

Désireux de lancer un nouveau magazine, avec des superhéros anglais, le jeune éditeur Dez Skinn, transfuge de Marvel UK, reprend en 1983, ce « vieux » héros tombé dans l'oubli vingt ans plus tôt. Il s’imagine alors, naïvement, qu’il est « libre de droit ». Un jeune scénariste, Alan Moore (qui n’a à son actif que quelques épisodes de Captain Britain chez Marvel UK et quelques petites histoires dans 2000AD) se dit très intéressé, lui aussi, pour revisiter l’univers de Marvelman et c’est alors que dans Warrior 1, la seconde vie du héros peut débuter, aux côtés notamment de V pour Vendetta, du même Moore.

Cependant, l’histoire n’étant qu’un perpétuel recommencement, Marvel intente à son tour un procès au magazine pour usage illicite du mot Marvel (marque déposée par l’éditeur), ce qui amène la fin des aventures du héros sous son nom d’origine et la fin progressive du magazine lui-même.

Entretemps, l’éditeur américain Eclipse a racheté les droits d’exploitation américains sur le personnage et commence la publication de récits anglais à partir de 1985, en ayant cette fois la bonne idée de transformer le nom du héros en Miracleman (ce qui lui permet de ne pas changer le logo sur le costume), Moore peut ainsi mener son intrigue à son terme, en 1989, avec le numéro 16 de la série qui est aussitôt reprise par Neil Gaiman et Mark Buckingham jusqu’en 1993. Eclipse se déclare en banqueroute et cesse alors toutes ses activités.

Dès lors, le personnage va glisser dans une guerre de droits ou Gaiman, qui a récupéré les droits de Moore se voit opposé à Todd McFarlane, qui a récupéré les droits d’Eclipse. L’affaire va figer pendant une petite quinzaine d’années la licence. L’affaire se décoince brusquement quand Marvel décide de se glisser dans la mêlée en mettant en lumière que les droits originaux appartenaient depuis le début à Mick Anglo qui leur cède à son tour, sans soucis. Fin immédiate du procès.

 Miracleman, héros subjugué

Alors de quoi s’agit-il ? Mike Moran est un journaliste en perte de vitesse qui souffre de troubles amnésiques. Alors qu’il est envoyé pour couvrir une manif, il est pris en otage. Dans la précipitation, il découvre, en lisant une inscription à l’envers sur une porte, qu’en prononçant le mot « Kimota » (inverse donc de « Atomic ») il devient une sorte d’être surpuissant, habillé en bleu : Miracleman !

Avec cette transformation, il retrouve progressivement la mémoire, se souvient d’anciennes aventures pour défendre le monde, en compagnie de Kid Miracleman et Young Miracleman, puis d’une ultime mission, une bombe qui explose et les corps de ses amis déchiquetés par la déflagration. Mais il se rend surtout compte que ces exploits étaient factices, fabriqués de toute pièce dans un laboratoire afin de tester les capacités extrahumaines de ces personnages auxquels on avait inoculé des particules extra-terrestres.

C’est pour Mike, le début d’une sérieuse remise en question de sa propre vie, sa relation avec sa femme et son enfant qui va bientôt naître, voire de son humanité elle-même. Il délaisse cette identité fragile pour lui préférer petit à petit ce corps parfait, presque divin qui lui fait accéder à une conscience qui transcende la réalité telle qu’il la percevait jusque-là. Au fur et à mesure de son élévation, il remodèle le monde autour de lui, se constituant sa propre arche de l’évolution dans un palais aux dimensions hors du commun.

De son côté, Kid Miracleman ressurgit, complètement aveuglé par les manipulations dont il a été l’objet, adolescent, et par cette puissance démesurée qu’il compte bien mettre à profit, quitte à précipiter le monde dans un bain de sang. Pour accomplir son ultime transformation, Miracleman va devoir se débarrasser de ce dernier résidu de son ancienne vie.

Conscience et distance

Miracleman, c’est l’exemple parfait de révisionnisme intelligent et constructif. L’idée est de reprendre un vieux personnage dont l’on a réécrit complètement les origines et l’histoire en l’actualisant, la modernisant.

Moore se réapproprie ainsi tout un univers en le rendant à la fois plus cohérent et en y glissant un cadre plus réaliste, plus ancré dans l’Angleterre des 80’s. Pour la première fois, il aborde le thème de l’héroïsme, avec son jusqu’au-boutisme, ses codes excessifs et les désenchantements qui en découlent ! Miracleman apparait comme l’ultime fantasme de l’être parfait, celui qui permet à Moran de fuir son enveloppe humaine, cette vie et ses galères qu’il ne supporte plus, l’occasion de voir cette lueur qu’il ne voyait plus dans les yeux de sa femme !

Se pose alors la question « quel rôle un personnage de comics pourrait jouer dans le monde réel ? Quels pourraient être les enjeux face à ce nouveau paradigme ? »

Variant cover

Variant cover

Cette remise en question permet à la série de complètement dépasser le propos d’un simple comics de superhéros pour nourrir un débat extrêmement plus profond et complexe sur l’idée de la divinité, du pouvoir et de la conscience.

Miracleman fait partie de ces projets qui ont progressivement amené un lectorat plus « adulte » à chercher des histoires plus matures, plus poussées (un peu comme ça sera le cas aussi avec Watchmen, Dark Knight etc.).

L’écriture est ambitieuse, parfois empesée, mais cela participe aussi à l’atmosphère solennelle et intellectuelle de la série sous l’ère Moore. Avec l’arrivée de Gaiman, le ton va légèrement changer. Pour se différencier de son illustre prédécesseur, le jeune scénariste, alors au début de sa carrière, décide de se concentrer sur le monde autour de Miracleman, plutôt que sur le personnage lui-même, cela permet de renforcer à la fois le cadre de la série, et de développer des récits plus intimistes.

Gaiman, adopte un style nettement moins elliptique et complexe, tout en gardant son côté très littéraire. Avec une narration posée, les personnages discutent de leurs impressions sous le ton de la confidence. On voit lentement se dessiner devant nous le portrait d’un monde parfait, dirigé par un nouveau panthéon omniprésent.

Graphiquement d’envergure

Globalement, le dessin de cettMiraclemane série est magnifique (si on excepte la période par Beckum). Qu’il s’agisse des débuts, très précis, par Gary Leach, des épisodes plus dynamiques d’Alan Davis, des visions étranges, presque organiques, de Totleben, ou des planches expérimentales de Buckingham, on dévore des yeux ce parcours, ces récits.

Un impressionnant omnibus, qui reprend les rééditions de Marvel, remises en couleur par Steve Oliff, qui correspondent donc aux quatre albums précédemment publiés par Panini Comics entre 2014 et 2016, permet de réhabiliter une série culte incompréhensiblement boudée du grand public pendant des décennies.

Jaquettes exclusives

Jaquettes exclusives

Alors que paraissent en ce moment la suite du récit de Gaiman et Buckingham ; « Silver Age » Panini profite de cet élan pour ramener sa traduction (les 4 volumes parus entre 2014 et 2016 étant depuis introuvables et non réédités, bien sûr) et peut-être convaincre une nouvelle génération de lecteur, malgré le prix et le format.

« Miracleman » est une série fascinante et importante. À redécouvrir sans plus attendre.

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