Joe Sacco et Chris Hedges, spécialistes des points chauds de la planète, se tournent cette fois vers leur propre pays. Jours dedestruction, jours de révoltedissèque certaines zones sinistrées des États-Unis. Un parcours édifiant.
On avait coutume de voir Joe Sacco partir aux quatre coins du monde, un carnet à dessins à la main, prêt à rendre compte dela misère des pays en guerre. Gaza, la Bosnie, la Tchétchénie, l’Irak et leTribunal Pénal International de LaHaye avaient accueilli cet homme dis-cret. A force, on avait presque envie de lui conseiller d’aller baguenauder dans son propre pays, les États-Unis, pour découvrir que la misère n’est pas toujours chez les autres. C’est chose faite avec Jours de destruction, jours de révolte,qui dresse un panorama des laissés-pour-compte du rêve américain. Bien entendu, Joe Sacco n’a pas attendu quequelqu’un le lui suggère pour se lancer dans cette autocritique (il l’avait d’ailleurs déjà fait pour son île de naissance). La conscience politique du natif de Malte ne se limite pas à scruter la poutre dans l'oeil de son voisin. Sa rencontre à Sarajevo pendant la guerre de Bosnie avec le journaliste de guerre Chris Hedges a sans doute pesé dans la décision de sillonner les États-Unis.
Confrère et compatriote, Hedges est lui aussi très concerné par les problèmes du monde et a été un des rares, outre-Atlantique, à critiquer la seconde guerre en Irak. Les deux amis ont donc décidé de regarder les États-Unis les yeux dans les yeux.
L’HUMANITÉ D’À CÔTÉ
Des Améridiens dans la réserve de PineRidge (Dakota du Sud), des Afro-américains ou des fils d’immigrés italiens dans la ville de Camden (New Jersey), des WASP en Virginie Occidentale et des Latinos en Floride, voila les acteurs réels de ce livre. Avec comme dénominateur commun, un horizon désespérément gris et une vie qui ne vaut pasbien cher face à la course au profit. Le spectre des minorités est largement représenté, les situations sont variées mais toutes aussi dramatiques. Insérées dans les longs textes de Hedges, les planches et les illustrations de Sacco sont toujours pertinentes. On regrette que la proportion ne soit pas inversée, tellement Hedges a un goût immodéré pour les chiffres et développe parfois des analyses pas très convaincantes. Les destins illustrés par le dessinateur sont moins factuels, mais bien plus poignants. Un homme ou une femme se raconte, et présente de cette manière l’environnement dans lequel il ou elle a vécu. Toute l’humanité de ces vies brisées ressort alors en quelques pages."Four more years" a dit une majorité d’Américains à Barack Obama. Le président a encore du pain sur la planche.
Article publié dans le Mag n°42 - Décembre 2012