Des BD aussi fortes, on n'en lit pas tous les jours. Les mauvaises herbes rend hommage, à travers le témoignage d'Oksun Lee, aux esclaves sexuelles vendues en Chine à l'armée japonaise alors qu'elle occupait la Corée pendant la Seconde Guerre mondiale. Un récit terrifiant illustré avec un talent incroyable.
Les mauvaises herbes, ce sont ces femmes asiatiques vendues en Chine à l'armée du Japon alors qu'il occupe la Corée. Et ces dames au destin brisées ont toujours été passées sous silence par le Japon, qui ose les qualifier de « femmes de réconfort ». Oksun Lee est l'une d'elles. Elle est revenue sur sa terre natale cinquante-cinq ans après avoir subi le pire. Keum Suk Gendry-Kim est parvenue à la faire témoigner.
Elle rend ainsi hommage à toutes ces esclaves sexuelles. Toute cette humanité réduite à néant. Oui, cette BD retourne le cœur. Le témoignage est juste, recueilli avec l'empathie qui s'impose sans jamais tomber dans le pathos. Ce travail de longue haleine se retrouve dans la construction du scénario : réfléchie, articulée.
Elle donne à voir l'invisible, lire l'illisible, encaisser l'insoutenable : l'horreur vécue par toutes ces femmes sous couvert de repos du guerrier. Le dessin est explosif. D'une variété incroyable. Il alterne entre des planches très réalistes et des pleines ou doubles-pages d'une poésie terrible. Derrière les paysages en noir et blanc se cache tout ce qu'a vécu Oksun Lee au contact des corps peu scrupuleux de tous ces hommes pour qui elle n'était rien d'autre qu'un morceau de viande.
La violence morale qui habite chaque case de cette BD n'aurait pas souffert d'être accompagnée d'une violence physique représentée. Keum Suk Gendry-Kim s'en est bien gardée. C'est sûrement la clé de ce témoignage graphique hors du commun.