Arthur Bramhall voit brûler sa maison alors qu’il venait tout juste d’achever son dernier roman. Après une période dépressive, il se remet à l’ouvrage pour le réécrire. Et pour éviter qu’il subisse le même sort, il l’enterre provisoirement dans une mallette au pied d’un arbre, ignorant qu’un ours l’observe. Tombé sous le charme du roman délirant de William Kotzwinkle, Alain Kokor signe ici sa première adaptation littéraire tout aussi déjantée.
L’ours déterre la mallette et comprend tout de suite l’intérêt qu’il peut tirer de son contenu. Il grimpe dans un train de marchandises qui le mène à New York, la mégapole de tous les possibles. Pour preuve, par le plus grand des hasards, il tombe sur la secrétaire d’un agent littéraire qui flaire le chef d’œuvre. Sous le pseudonyme de Dan Flakes qu’il s’est choisi à partir d’une boîte de céréales de la marque Dan Dan, l’ours devient la coqueluche du monde de l’édition. D’aucuns voient en lui un nouvel Ernest Hemingway. Son comportement animal, sa façon limitée de s’exprimer verbalement séduit.
On l’aura vite compris, il s’agit là d’une sorte de fable qui brocarde allègrement, mais avec poésie et beaucoup d’humour, notre monde actuel. Loin d’abandonner Arthur Bramhall à son funeste sort, le récit passe allègrement de l’irrésistible ascension du plantigrade, convié sur tous les plateaux télé d’Amérique, à la lente métamorphose de l’écrivain qui va opérer un véritable retour à la nature. Cartésiens en manque d’imagination et de fantaisie, prière de s’abstenir !
De son propre aveu Kokor a dû élaguer ce roman au point de rendre certaines séquences, telle celle autour du réfugié Casimir Pion, un peu incompréhensibles dans leurs rapports avec l’ours. Mais qu’il dessine la nature de la Nouvelle-Angleterre ou l’architecture de Manhattan, son dessin plutôt jeté, fidèle à son style, reste au diapason de cette histoire.