Longtemps restés inaccessibles, les quatre volumes de Perramus, de Juan Sasturain et Alberto Breccia, sont aujourd’hui réédités par Futuropolis en une monumentale intégrale qui réhabilite l’idée d’une œuvre entière, témoin d’une Histoire marquée au fer rouge!
Au début des années 80, l’Argentine est sous la coupe de la junte, dirigée par le général Galtieri. De nombreux éditeurs ayant dû mettre la clé sous la porte, Alberto Breccia souhaite développer un projet à destination du marché européen. Il demande à son ami écrivain journaliste, Juan Sasturain, de lui concocter un scénario d’aventure, grand public, divisé en quatre livres de plusieurs chapitres de 8 pages, afin de faciliter la prépublication dans des revues! L’idée étant d’avoir ensuite toute liberté sur le plan graphique!
À partir des premières bases que lui propose le scénariste, Breccia se réapproprie les ambiances, ajoute des tonalités grises et des références aux « Maréchaux » à la tête-de-mort, avec une touche impressionniste très marquée. Le projet se transforme, devient le miroir d’une société qui subit les débordements d'un pouvoir despotique, un univers corrompu, qui a perdu ses valeurs les plus profondes!
Après avoir vu ses compagnons résistants se faire assassiner par la police, celui qui ne s'appelle pas encore Perramus réussit à fuir pour trouver l'oubli dans les bras d'une prostituée. Désormais sans mémoire, il se choisit un nom, rencontre de nouveaux compagnons de route et se lance dans une longue et périlleuse odyssée à travers un pays qui n’est plus que l’ombre de lui-même, une aventure aux multiples rencontres, pleine de symboles, de cette émotion vive, cathartique, parfois à la limite de l’absurde! Un regard sans appel sur une période tragique!
Articulé donc autour de quatre chapitres/Romans graphiques (« Le pilote de l’oubli », « L’âme de la cité », « L’île au guano » et « Dent pour dent ») Perramus demeure, encore aujourd’hui, un chef d’œuvre intemporel qui, tout en respectant les codes du feuilleton d'aventure, s’articule autour d’un contexte très politique particulièrement transparent. Il n'y a aucune ambiguïté, derrière ces personnages grotesques, cette « comédie dramatique » dénonce tous ces pouvoirs autoritaires, déshumanisés, qui ont rythmé l’histoire de l’Amérique du sud pendant des décennies!
Avec cet impressionnant pavé, extrêmement riche et profond, Alberto Breccia nous offre une sorte de jubilé graphique. Il mélange les techniques, varie ses outils, ses styles… C'est tout simplement sublime d'un bout à l'autre! On ne peut qu’être admiratif devant une telle virtuosité! Un album indispensable, une référence!
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