Le Petit Astronaute

Chaque année, Juliette revient dans le quartier de son enfance. Cette fois est particulière : la maison où elle a grandi est en vente. Voilà une occasion unique de l’explorer une nouvelle fois en se faisant passer pour une acheteuse potentielle. Juliette profite de cette errance nostalgique pour raviver les souvenirs qu’elle a gardés de Tom, son petit frère.

Difficile de ne pas rester insensible à la douce étreinte des souvenirs de jeunesse. Juliette profite d’une vente de la maison de son enfance pour la revisiter. Une maison où chaque pièce devient un souvenir et un objet son déclencheur. Un déménagement, un anniversaire, une dispute entre ses parents ou une crise de jeunesse… L’adolescente veut se souvenir de tout, car au centre de chaque épisode du passé se trouve Tom, son petit frère qui n’est plus là. Pour Juliette, il est reparti d’où il est venu : dans l’espace, comme tout petit astronaute avant sa naissance.

Auteur de la série Les Aventures de Jérôme Bigras (entre 1985 et 1995) et de Memoria (diptyque de 2001 puis réédités en 2020 par La Pastèque), Jean-Paul Eid profite des thèmes phares que lui sont la vie de quartier et celui du souvenir pour réaliser un chef-d’œuvre d’émotion. Car à travers le pèlerinage mémoriel d’une grande sœur se raconte la vie de son petit frère qu’un déficit moteur cérébral a emporté.

Cet émouvant voyage dans le temps est superbement mis en image. Si le trait du dessin paraît simple, c’est véritablement sur le travail des teintes que le graphisme du Petit Astronaute touche le brio. Qu’elle soit pluvieuse ou ensoleillée, extérieure ou intérieure, l’ambiance est rythmée par la tonalité des couleurs, très homogène à chaque scène. Et lorsque l’épisode change de lieu ou d’époque, la couleur change. Les pages deviennent un tel plaisir à regarder qu’on en oublierait de lire les dialogues.

Et ces derniers sont de haute volée. Dans un savoureux phrasé québécois, Juliette et ses parents s’expriment avec une authenticité comme seules les émotions le permettent. Les dialogues et les tournures de phrases font systématiquement mouche et rendent chaque anecdote d’une émouvante crédibilité en plus d’un certain vécu. Mentionnons notamment une scène de voiture impliquant un policier superbement mise en scène : silences, dialogues et incongruité donnent à l’anecdote une dimension triste, comique, surnaturelle et criante d’authenticité. Par ses dialogues et silences, Jean-Paul Eid fait parler le cœur de ses personnages.

Le Petit Astronaute réussit le brio de s’adresser aux jeunes comme aux adultes sur un drame que le temps, l’amour et le rêve rendent surmontable.