Ce récit sur les traumatismes indélébiles laissés par une enfance meurtrie prend la forme d’un conte très sombre par son propos, mais lumineux par ses partis pris graphiques.
Koji reçoit une enveloppe contenant seulement un origami représentant un corbeau. Cela le renvoie une vingtaine d’années en arrière lorsque, enfant, il a découvert le jeune Shin, inanimé, allongé dans la neige. Il l’a alors ramené dans la maison où il vivait avec d’autres enfants, chacun étant lié à un animal dont il devait s’occuper. Et Shin était attaché à un corbeau. Cet étrange personnage qui a marqué Koji serait-il de retour dans sa vie ?
L’art de l’emboîtement
Atelier Sentô (réunion de Cécile Brun et d’Olivier Pichard) signe un conte noir à la construction particulièrement élaborée. Ainsi, les temps et les types de récits ne cessent pas de s’emboîter : le présent conduit au passé, le rêve à la réalité, le fantastique au policier… et vice versa. Cela est tel qu’il est parfois difficile de savoir dans quelle strate du récit nous nous trouvons. Cette indétermination contribue à rendre l’histoire toujours plus touffue et troublante. Cependant, la dimension métaphorique fait progressivement place à une lecture – en partie – littérale qui révèle la nature de ce qu’ont vécu Koji et les autres enfants avec lesquels il a grandi.
Par ses différentes caractéristiques, cette bande dessinée qui se déroule au Japon peut évoquer l’univers merveilleux d’Hayao Miyazaki comme les polars cérébraux et fréquemment peuplés de fantômes de cet autre grand cinéaste nippon qu’est Kiyoshi Kurosawa. Quant au dessin de Alberto M. C., il est porteur de délicatesse et de douceur, ses couleurs pastel et aqueuses, comme leur aspect feutré, collant parfaitement à la dimension onirique du récit. Par contraste, cela fait ressortir encore davantage la grande noirceur des événements et du propos.