Un enfant-loup au milieu d’un groupe de résistants dans le Vercors, en 1944. Ce qui pouvait sembler un mix casse-gueule ou sans intérêt se révèle être une réussite, apportant une autre dimension au récit.
L’album commence par une séquence choc de 5 pages: en plein hiver, un enfant vêtu de hardes attaque et tue un chamois avant de devoir disputer son gibier avec un loup, qu’il tue également. La violence est soulignée par un graphisme saisissant. La page suivante change de registre: le 8 juin 44, un groupe de résistants se voit chargé d’une mission importante: surveiller un des accès au Vercors, afin d’avertir les Maquisards si les Allemands tentent d’investir le plateau. Le groupe s’installe dans une ferme abandonnée, la famille qui y vivait ayant été tuée par les Nazis, et découvre vite que le lieu est parfois fréquenté par un singulier visiteur: un «enfant sauvage» qu’ils vont peu à peu «apprivoiser». Mais l’ennemi n’est pas loin…
L'évocation de la bataille du maquis du Vercors en 1944
© Albin Michel
Le dessin charbonneux de Facundo Percio contribue à merveille à restituer une ambiance de vieilles photos qui parle bien à notre imaginaire sur cette douloureuse période de l’Histoire. Le trait du dessinateur rend profondément humains les protagonistes de La ferme de l’enfant-loup. Physiquement, ils sonnent juste. Et les paysages de moyenne montagne, les luminosités associées (merci à Patricio Delpeche pour les couleurs), sont saisissants de vérité. Qui y a vécu retrouvera en contemplant ces pages des émotions de son passé.
Jean-David Morvan, scénariste qui a déjà montré son intérêt pour la thématique de la guerre, construit un récit intelligent, à la fois âpre et nuancé. Il rend crédible ses personnages, femmes et hommes de différents bords politiques, aux origines diverses, qui oscillent entre espoir et fatalisme sur leur destin. Des flash-backs judicieux nous en apprennent davantage sur leur passé, et ce, à bon escient.
Un enfant devenu sauvage suite au massacre de sa famille
© Albin Michel
Enfin, sans occulter l’horreur de la déferlante nazie sur le Vercors, le pas de côté apparent qu’est l’histoire de l’enfant-loup et son destin éclairé en fin de récit apportent une émotion supplémentaire à ce pavé déjà touchant.