Avant de suivre les Jeux Olympiques de Tokyo cet été, retour en 1928 sur ceux d’Amsterdam et notamment le marathon, avec une performance française extraordinaire contée par Nicolas Debon.
Les archives des Jeux Olympiques regorgent de destins incroyables, de performances hors du commun et de scandales retentissants. Du pain béni pour les scénaristes.
L'histoire d'un ouvrier qui déjoue tout les pronostics © Dargaud
Pour réaliser Marathon, Nicolas Debon – habitué des récits sportifs (L’Invention du vide, Le Tour des géants) – a exhumé la prouesse d’un athlète français pendant les JO d’été d’Amsterdam en 1928. Cette année-là l’épreuve reine de la compétition, le marathon, est remportée par Ahmed Boughéra El Ouafi. Pourtant, face à l’armada finlandaise ou japonaise, les autres nations partent outsiders. Mais El Ouafi n’est pas un inconnu. 7e aux derniers JO de Paris en 1924, champion de France en 1924 et 1928, il peut prétendre à un accessit.
Sa nette victoire est une réelle surprise. Surtout, il est le premier athlète africain indigène à décrocher une médaille olympique, qui plus est en or. La précision est de taille dans une France qui n’a que peu de considération pour les natifs de son empire colonial.
Le rêve de JO © Dargaud
Du sport et de la politique
À travers son narrateur principal qui est journaliste sportif, Nicolas Debon traduit bien le paternalisme de l’époque. El Ouafi, 29 ans, est considéré comme un jeune adolescent, dont le potentiel n’a d’égal que sa (supposée) nonchalance naturelle. L’album relate l’intégralité de la course de manière très documentée et originale puisqu’il vagabonde peu dans la tête des coureurs. C’est surtout le point de vue des suiveurs qui est mis en avant, témoignant ainsi de la mentalité d’une époque autant que des stratégies de course. Au fil de la remontée fantastique d’Ahmed, Nicolas Debon imagine les pensées qui traversent l’esprit du champion lors de cet effort insensé. Des images de sa région natale et des considérations sur son statut d’indigène donnent une autre ampleur dans un récit, que le dessin charbonneux dans un camaïeu de teintes brique magnifie. Cette ode à la beauté du sport qui n’oublie pas d’être politique, est un beau moment de lecture.
Article publié dans le Mag ZOO N°82 Mai-Juin 2021
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