1843. Le capitaine de gendarmerie Langlois arrive dans un petit village isolé des Trièves, dans les massifs alpins. Un tueur mystérieux y sévit et plusieurs personnes ont disparu. Langlois va mener l'enquête pour, assez vite, trouver le coupable et l'abattre. Un an plus tard, Langlois revient, cette fois comme commandant d'une louveterie et organise à ce titre une chasse au loup qui rappelle sa précédente traque. Il s'installe au village, se marie, avant de se suicider en fumant un bâton de dynamite. Un roi sans divertissement (1947), écrit en vingt-sept jours par Jean Giono, est, selon Pierre Michon, "un des sommets de la littérature universelle" . 50 ans après la disparition du grand écrivain, Jean Dufaux et Jacques Terpant lui rendent hommage avec une adaptation libre qui magnifie les paysages flamboyants du Trièves, chers à l'auteur.

Un roi sans divertissement

Jean Dufaux, Jean Giono, Jacques Terpant
Éditeur : Futuropolis
Scénario : Jean Dufaux, Jacques TerpantAuteur adapté : Jean Giono
Collection : Albums
Genres : Roman Graphique
Prix : 17.00€
- ZOO
5.0
Scénario
5.0
Dessin
5.0
- Lecteurs
4.0
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Le synopsis de l'album Un roi sans divertissement
La critique ZOO sur l'album Un roi sans divertissement

C’est d’ennui que meurt la dignité humaine. Cette adaptation libre du roman de Jean Giono révèle la monstruosité tapie en l’homme, fût-il honorable, pour peu que l’absence de raison de vivre se fasse trop insupportable.
L’action se déroule à la fin de la première moitié du XIXème siècle, sous le règne de Louis-Philippe. D’étranges disparitions adviennent à Lalley, petit village du Vercors (Isère) que l’hiver rigoureux engloutit de son manteau troublant. Langlois, capitaine de gendarmerie royale de Clelles, se rend sur les lieux. Il y demeure avec son équipe durant plusieurs semaines avant qu'elle ne reparte, lui demeurant (encore) sur place. Fin enquêteur, une fois le coupable confondu, Langlois l’abattra froidement et quittera le village.
L’année est passée. Démissionné de ses précédentes fonctions, désormais « commandant de louveterie » (charge impliquant l’extermination des prédateurs), Langlois revient dans la vallée au printemps. Plus taciturne et secret que précédemment, auréolé toutefois d’un charme que la puissance et la réussite suscitent auprès des villageois, il s’installe, se marie, s’ennuie…
L’hiver, à nouveau, engourdit la vie et l’humeur. Bientôt, un redoutable loup sort Langlois de ce quotidien trop oisif. Une traque est organisée à laquelle le village participe activement.
Il sera alors question, une fois encore, de confrontation individuelle, de sang versé et du sens que tout cela prend aux yeux de Langlois. Le divertissement paraît alors pour ce qu’il est : un dérivatif à la contemplation misérable de la condition humaine.
Le défi d’une adaptation littéraire
Jean Giono, fasciné par la nature et ses beautés, aura fréquemment dépeint les lieux géographiques qui lui étaient chers. Cependant, son pacifisme, sa sympathie avec des intellectuels aux sensibilités accordées au régime de Vichy lui furent reprochés après-guerre. Sous le coup des bassesses humaines, un désenchantement succéda à son émerveillement originel.
C’est un homme blessé moralement qui écrivit Un roi sans divertissement, publié en 1947. Titre inspiré par le propos du philosophe Pascal : « Un roi sans divertissement est un homme plein de misères ».
Miroir de nos existences trop souvent vaines, si nous en ôtons les « distractions », voilà ce que l’agitation sociale inspire au philosophe et, à sa suite, l’écrivain.

Un roi sans divertissement est l'adaptation BD du livre éponyme de Jean Giono
© Futuropolis, éditions 2021
Fidèle à l’esprit …
Le cinquantenaire du décès de Jean Giono fut célébré l’an passé. L’occasion pour la collection « La Pléiade » d’éditer un sixième tome de la collection consacrée à Giono s’intitulant « Un roi sans divertissement et autres romans ». C’est dire l’importance portée à ce seul titre considéré à maints égards comme un chef d’oeuvre de la littérature.
À côté du discours officiel et des évocations multiples,le neuvième art peut s’enorgueillir d’avoir transmis avec originalité son récit. La complexité du roman par le foisonnement des personnages aura retenu Jacques Terpant d’en réaliser seul l’adaptation.
Un artifice théâtral bienheureux : l’invitation faite au spectateur
Alors intervint Jean Dufaux, déjà co-auteur avec le dessinateur de la biographie romancée de Louis Ferdinand Céline, Le chien de Dieu (2017), puis de Nez de Cuir ( 2019), d’après le roman de Jean de La Varende.
Une représentation est donnée. Les personnages, les évènements sont ainsi relatés comme passés. Voix off. Celles des femmes qui furent proches de cet homme si particulier. Rares sont les échanges dans lesquels intervient directement le « héros ».
Porté ainsi par une chronologie survolée au gré des interprètes et servi par les nuances de couleurs et celles de lumière que maîtrise Jacques Terpant ( « le style » écrit Dufaux), l’attention du lecteur est immergée en cette société inquiète, en ces terres ensevelies par l’hiver et dans l’immensité des paysages.
À ce titre, la couverture de l’album, par sa composition, ses représentations et la gravité du regard biaisé constitue une admirable entrée en matière.
Pour clore le récit, sans toutefois en livrer tous les détails, c’est Giono qui prend la parole. Se référant à un ouvrage postérieur au roman ayant trait à l’acte créatif, notre duo extrapole, offrant ainsi « à la manière de » une ouverture du récit sur de multiples pistes. Hommage au cheminement de l’écrivain qui, « selon sa fille » nous dit Terpant, était hanté par Langlois.
