XVème siècle. Le débarquement des conquistadors sur le nouveau monde est un fléau que le peuple Guanche n’arrivera pas à stopper. Le massacre semble inévitable et seul un homme comme Bencomo arriverait à changer le cours de cette invasion. Mais Bencomo est trop loin pour entendre les appels des siens. En 2022, un jeune concepteur publicitaire fait d’étranges rêves. On l’y appelle Bencomo.
Attention : Iruene est une bande dessinée qu’il est primordial de lire d’une traite. En effet, Rodolphe (auteur de Trent et Centaurus) et Griffo (dessinateur de Beatifica Blues et Vlad) signent un récit déroutant où hallucinations, rêves et voyages se confondent sans s’inquiéter de ce qui relève du réel ou du fictif.
Alex est un Parisien travaillant pour une agence publicitaire, tout ce qu’il y a de plus mondain. Depuis peu, il fait d’étranges cauchemars peuplés de loups et de conquistadors qui le traquent. Son psy s’avère inefficace et son travail en pâtit. Que lui-arrive-t-il ? Comment peut-il entendre le nom d’Iruene dans ses rêves ? Il est une divinité connue des Guanches, une peuplade ayant vécu aux Îles Canaries et exterminée par les Espagnols au XVème siècle. Alex n’a aucune raison d’en avoir entendu parler, n’ayant aucune connaissance sur ce sujet. Un voyage aussi onirique que horrifique ne fait que commencer.
Vous l’aurez compris, Iruene est une BD dans laquelle il est important de se laisser emporter sous peine de ne pas rentrer dans l’intrigue. Un peu comme dans un film de David Lynch, les transitions réelles et oniriques sont très brusques (pour ne pas dire absentes) et Rodolphe ne prend pas forcément le lecteur par la main pour lui rappeler où en est l’intrigue. Ce dernier est pour ainsi dire comme le personnage principal : embarqué malgré lui dans une aventure sybilline. C’est à la fois la plus grande réussite de cet album, mais aussi ce qu’il a de plus clivant : cette impression de suivre une aventure qui est déjà écrite pour le personnage principal. Ce dernier vit un rêve éveillé sans avoir de choix. L’acteur principal est en réalité le spectateur principal de sa propre aventure…
C’est à la fois brillant et frustrant.
Iruène
© Daniel Maghen, 2022
Peut-être aurait-il fallu que le dessin soit plus assorti à son sujet. En effet, le graphisme est correct. Très correct même (la coloration tout particulièrement). Mais l’aspect général des personnages, des silhouettes, des faciès, des cadrages… l’ensemble est trop neutre, trop gentillet vis à vis du scénario qui se veut déroutant. D’un récit aussi étrange, on en attendrait un graphisme à la même image, plus psychédélique. Il demeure néanmoins quelques scènes marquantes visuellement comme un interrogatoire de police particulièrement déstabilisant.
Vous l’aurez compris, Iruene est une BD difficile à critiquer car elle semble réussir quelque chose mais pas dans le sens qu’on attendrait. D'habitude, on espère que le lecteur s’identifie au personnage principal. Dans Iruene, c’est l’inverse : le personnage principal s’identifie plus à un lecteur qui découvre sa propre aventure sans influer dessus.
Lisez également l'interview de Rodolphe : "Iruène, au-delà de l'histoire et du temps"