Cyril Bonin surprend ici en allant à la rencontre du Japon de la première moitié du XXe siècle et de la place des femmes au sein de cette société.
Cet auteur est un artiste que l’on retrouve désormais chez de nombreux éditeurs. Les années lui ont permis de développer un style graphique parfaitement identifiable, associé à des univers très différents.
On ne naît pas japonaise, on le devient
Toyono, Hana, Fumio, Hanako. Quatre générations de femmes, de la guerre russo-japonaise aux Trente Glorieuses. Quatre époques, quatre façons de vivre son statut de femme, entre tradition et évolutions naturelles de la société. Une lignée dont chaque branche pourrait bien avoir des leçons à apprendre de la précédente… et à donner à la suivante.

Les dames de Kimoto © Sarbacane, 2022
Cyril Bonin a fait le choix d’adapter un roman de Sawako Ariyoshi, qualifiée par certains de véritable « Simone de Beauvoir japonaise ». Les Dames de Kimoto est une œuvre nourrie de son histoire personnelle, le personnage d’Hanako possédant de nombreux traits communs avec elle. Une œuvre qui met l’accent sur le poids du patriarcat au Japon, mais aussi sur la capacité des femmes à agir pour la conquête de leurs droits.
Le regard d'un homme blanc
C’est donc un Français qui a souhaité offrir un nouveau souffle à l’œuvre de Sawako Ariyoshi. S’il a pu prendre cette place, c’est grâce à la qualité d’écriture des personnages originaux. Écrits avec nuances, hommes comme femmes, ils permettent au bédéaste d’apporter sa contribution à la cause féministe. Il reprend les mots d’une femme sans se les réapproprier. Juste en partageant avec le lecteur la pertinence et la puissance qu’il y a lui-même trouvée.
La pudeur du trait
Dès la couverture, cela apparaît comme une évidence : le dessin de Cyril Bonin était fait pour mettre en scène ces femmes japonaises. Depuis de nombreuses années, il y a une sensibilité dans son dessin, une délicatesse dans ses portraits de femmes, qui appelaient à un tel univers. Il y a autant de forces et de faiblesses dans ses interprétations, qu’il y en avait dans les personnages d’Ariyoshi. Bonin, c’est aussi une économie de traits dans les visages, qui contraste avec la précision de ses décors.
Les Dames de Kimoto s’avère donc une belle façon de découvrir ou redécouvrir une autrice japonaise qui ne craint pas de regarder en face ses semblables dans toute leur complexité.