Touchante et révoltante, l’histoire des Chagossiens personnifiés par Marie, belle jeune femme qui va se battre corps et âme pour récupérer l’île dont son peuple a été expulsé. Le dessin porte superbement le propos.
Marie vit sur Diego Garcia, la plus grande île de l’archipel des Chagos, dépendant de l’Ile Maurice. C’est une belle jeune femme qui défend sa liberté : elle ne veut pas d’un mari et elle protège sa fille adorée. Un détail : Marie ne sait pas lire. Nous sommes dans les années 60. Son monde vacille quand débarque un fonctionnaire Mauricien, Gabriel. Elle le séduit. Joséphin naît. Leur enfant... Gabriel, ange salvateur, apprend à lire à Marie. Mais dans l’ombre, s’ourdit le futur des habitants de l’île, et il n’est pas rose. L’Ile Maurice obtient son indépendance de l’Angleterre, mais la « perfide Albion » vend en sous-main les Chagos aux Américains pour en faire une base. Alors vient pour Marie et les siens le temps de l’exil, brutal et douloureux. La pauvreté dans des bidonvilles de Maurice. Puis le temps du combat, pour récupérer leur île.

Rivage de la colère
© Philéas, 2022
Laurent Galandon fait une adaptation réussie du roman à succès (prix Maison de la Presse 2020) de Caroline Laurent. Il a su en garder l’essence tout en donnant le rythme nécessaire au format bande dessinée, sur près d’une centaine de pages. Les Chagossiens sont touchants, forcément. Mais pas d’imagerie d’Epinal pour autant, certains se perdront en route, tel l’époux de la sœur de Marie. Et cette dernière n’hésite pas à mentir à Gabriel. Le scénariste dose bien la narration de leur relation, tumultueuse. Tout en sachant inscrire la petite Histoire dans la grande.
Rachid N’Haoua (qu’il orthographie pour d’autres BD Nawa) nous campe une jeune femme à la fière beauté, naturelle et sensuelle, d’un crayon précis. Sa représentation de la vie sur l’île puis dans le bidonville nous immerge dans l’ambiance. Il est efficacement secondé par les couleurs de Degreff.
Lisez cet album romanesque et intelligent, ce cri de révolte saura vous émouvoir pour une juste cause. Et espérons retrouver N’Haoua dans d’autres projets aussi intéressants.