Découvert en France avec le magnifique album Vertiges Nocturnes, sorti en 2019, le jeune auteur Salvador Sanz revient ici avec une nouvelle série qui impressionne dès les premières pages. Au programme de Mega, des combats de créatures géantes sur les côtes uruguayennes, à grand renfort d’explosions, de fumée, de cités en ruines… Attention les yeux.
En scène introductive, on surprend un mystérieux jeune homme, nommé Felipe, qui confectionne un gâteau dont les contours figurent l’Antarctique. À l’aide d’un étrange couteau, il trace un sillon dans la crème, sillon qui se transforme en une énorme crevasse gravée sur le continent de glace. Des profondeurs se révèle alors une sorte de prison d’où s’échappe une gigantesque créature qui se dirige ensuite progressivement vers l’Amérique du Sud, et plus particulièrement vers le Montenegro. Elle s’y installe après avoir tout ravagé, faisant de nombreuses victimes sur son passage, traçant autour d’elle un fossé de lave.
En marge de ce récit, nous rencontrons la petite Tina, qui a tout juste 6 ans. Dans son sommeil, elle retrouve l’esprit de son grand-père, disparu en mer, il y a quelques temps. Il lui explique qu’avec l’aide d’une sorte de corne, qu’il a récupéré lors d’une précédente expédition, elle pourrait, en soufflant dedans, libérer un gardien dont le rôle est d’affronter les créatures qui s’échappent et les vaincre…
Mega - Tome 1 © iLatina, 2023
Monstre contre monstre
Salvador Sanz travaille avec beaucoup de soin la dynamique de son récit. On peut avoir l’impression, au départ, d’avancer un peu à l’aveugle, toutefois, rapidement, il donne tous les éléments nécessaires pour bien comprendre à la fois les enjeux et le rôle de chacun.
Aux commandes de ce captivant triptyque, il reprend, à l'exemple des Kaijus japonais, le concept des monstres géants, aux origines antédiluviennes, qui se réveillent d’un sommeil forcé pour venir reprendre leur place sur notre planète, terrorisant l'humanité en semant la destruction autour d'eux. Seul un être surpuissant peut les vaincre, gardien millénaire qui répond à l’appel pour affronter cette incarnation du mal absolu. Bien sûr, on ne peut que faire le parallèle avec Godzilla qui émerge du fond de sa tanière pour combattre Mothra et toute la clique. Sanz n’essaye pas de s’éloigner du modèle, cependant, il installe des ambiances qui lui sont propres, un vrai travail artistique.
Petit à petit, il pose ses pions, il dose parfaitement ses ambiances, tout en jouant assez habilement avec le côté sensationnaliste de ce type d'histoires. Les scènes d’affrontements sont spectaculaires et vraiment très impressionnantes, sans pour autant malgré tout, venir prendre le dessus sur la profondeur du scénario, ni sur la qualité de la narration.
Un artiste au sommet de son art
Car Salvador Sanz travaille avec précision son storytelling. Tout est extrêmement fluide, presque cinématographique, dans sa façon de cadrer et dans les enchaînements de scènes. Le rythme est parfois lent, on sent bien les masses titanesques qui se déplacent, qui écrasent tout ce qui se présente sur leur passage. On est ébloui par la virtuosité graphique sur chaque planche. Ce sens des détails qui est juste, l’harmonie des couleurs et l’économie des teintes participent à rendre cette lecture très intéressante, presque hypnotique.
La suite se profile très prochainement et les premières planches qui commencent à filtrer démontrent que l’artiste ne fait définitivement pas dans la facilité.