Lombric

Lombric fait ses premiers pas dans notre monde cruel et imprévisible alors qu’un crapaud tente de résoudre une série de meurtres barbares survenus chez les habitants de la forêt… Un conte déstabilisant aux subtilités savoureuses, servi par des dessins magnifiques.

L’enquêteur grenouille Sapo Di Gordo débarque chez le garagiste Lucius. Alors que le mulot fait le plein, le batracien révèle qu’un dangereux criminel sévit dans les environs. Il a déjà tué plusieurs animaux de la forêt. On ne sait pas à quoi il ressemble, personne ne l’a vu… En tout cas personne de vivant. Le mulot supplie le détective de le prendre comme assistant alors que le tueur rôde toujours. Pendant ce temps-là une petite larve blanche s’épanouit. Telle Le Blob de Chuck Russell, elle grossit dès qu’elle se nourrit. Et elle a faim, très faim…  

Mathieu Sapin signe un scénario aussi délirant qu’un rêve fiévreux. La narration alterne entre la description muette et contemplative des premiers pas de Lombric, créature enfantine et vorace, et l’enquête du binôme crapaud-mulot. Dans un crescendo progressif de violence, de rebondissements en rebondissements, Mathieu Sapin réunie ces deux trajectoires jusqu’à… une fin qui laisse sur sa faim. Par facilité ? Par licence poétique ? La seule petite ombre au tableau d’un album génial.

Lombric
© Soleil, 2023

L’humour acide et impertinent nous entraine dans une fable originale et déstabilisante, très loin du conte jeunesse. Il ne faut pas se laisser méprendre par la douceur graphique de l’album.

Patrick Pion crée un magnifique univers anthropomorphique avec ses crayons de couleurs, à l’esthétique rétro. Les traits de construction apparents donnent du cachet au dessin. De très belles cases et pleines pages sont l’écrin d’une nature réaliste luxuriante. Le jeu sur les différentes échelles est très réussi. Les personnages ont une grande expressivité, particulièrement le héros qui n’a pourtant ni yeux, ni nez.

Cyrille Bertin colore le tout d’un effet flou et diffus, finissant d’inscrire ce conte cruel dans un monde alternatif fantastique. Les dominantes bleues et vertes donnent naissance à de très belles ambiances. La couverture, enfin, est très jolie avec du relief et de la lumière.

Un album à lire et à offrir : il ne laissera personne indifférent. Promis.