3 cases pour 1 chute - T2 : Résurrection

Si un bon dessin vaut bien mille mots, trois dessins valent-ils un bon gag ? Armé de son humour le plus corrosif, l’Abbé se prête à l’exercice… et dès la première de couverture s’il vous plaît ! Et pour moins de 10 euros ! A ce prix là, on en a (pas beaucoup) pour son argent.

En Auvergne, il y a Clermont-Ferrand. Et parmi les Clermontois, il y a l’Abbé. Détrompez-vous, il n’a rien d’un homme du clergé… du moins, je l’espère pour l’église car le bougre est dessinateur pour Fluide Glacial. Ses précédents faits d’armes étant Docteur Peste, Cafard-man, l’Ogre de Moscovieet L’Abbé ne fait pas le moine, l’Abbé s’illustre désormais dans l’exercice du strip avec 3 cases pour 1 chute…Il est comme ça l’Abbé : il aime bien expliciter le principe dès le titre, des fois que le lecteur ne sache pas en quoi un strip consiste. Honnêteté est mère de transparence !
Et mentionnons tout de même que le dessinateur n’a pas manqué de productivité : il y a même des gags sur les 1ère, 2ème, 3ème et 4ème de couverture ! Il n’y a que 2 pages qui ne possèdent pas de blague : la page 2 (verso de la page titre) et la page 96 (le colophon) : une telle générosité en nombre de gags pour un ouvrage de moins de 10 euros est à plébisciter !

3 cases pour 1 chute T. 2 © Fluide Glacial

Mais si la quantité est là, qu’en est-il de la qualité ? Il est toujours délicat de critiquer un album de gag. Après tout, l’humour, c’est comme le goût et les couleurs : on y est plus ou moins réceptif. Aussi vais-je faire l’effort d’être aussi honnête que l’auteur et annoncer la nature de mon barème. J’ai noté 98 gags au total dans l’album (j’ai même compté celui du rabat de la couverture… qui est tordant), j’ai ri à 46 d'entre eux. Curieusement, j’ai trouvé que le meilleur gag était celui figurant en quatrième de couverture. L’ironie ? Ce n’est même pas un strip ! Donc en arrondissant le ratio du nombre de rires suscités que divise le nombre total de gags, l’album gagne déjà la moitié des points sur la note maximale. Puis j’ajoute un demi point pour le rapport quantité/prix déjà notifié plus tôt. Et j’ajoute un demi point supplémentaire pour le graphisme parce que je suis toujours friand du style qui côtoie (sans copier) le style de Philippe Vuillemin (Les Sales blagues de l’Echo).

A ce sujet, le dessin est savoureusement caricatural ou bien grossièrement subtil… Je laisse au lecteur le soin de choisir l’oxymore qui convient. Les nez protubérants et les silhouettes cocasses prises dans l’instantanéité de la banalité… c’est de l’assez bonne cam’ même si on pourra regretter un manque d’effort sur les arrière-plans : le gag « Vœux » (page 28) est franchement le plus paresseux sur ce plan. L’Abbé a misé sur le fonctionnel sans garniture : c’est louable et critiquable tout à la fois.
Plus simple est le gag, meilleur il est… mais n’oublions pas qu’on lit une BD et non un journal comme il était d’usage autrefois pour les strips. Encourager le lecteur à attarder le regard le plus longtemps possible sur trois dessins, c’est peut-être là que réside le véritable challenge du strip lorsqu’il est publié dans un album.