En Silence

Une journée de canyoning va révéler les fragilités, les failles et les non-dits au sein d’un couple qui se fissure lentement.

La très belle couverture de En silence traduit bien les sentiments de Juliette, la narratrice et le personnage principal. On y voit une jeune fille qui coule, qui s’enfonce, respiration bloquée, entrainée dans les profondeurs. Juliette étouffe en effet dans sa relation avec Luis. Le couple sombre dans le silence des habitudes. Au cours d’une excursion, Juliette prend conscience de cette noyade et du courant du temps qui l’emporte. Avec cette BD, la dessinatrice Audrey Spiry nous conte ainsi ce moment délicat, quand l’un des membres, dans le couple prend conscience que la vie ensemble ne peut continuer.

En silence © Casterman, 2023

En Silence est d’abord une œuvre graphique. Le lecteur sent que l’artiste a voulu se mesurer picturalement - à l’instar d’autres grands peintres - à la représentation de l’eau, sa profondeur et sa noirceur, sa luminosité et ses reflets, sa fureur et son… silence. Le dessin est magnifique, d’autant plus que la comparaison avec d’autres peintres ne s’arrête pas là : Audrey Spiry utilise toute la palette de couleurs pour refléter les sentiments des personnages créant ainsi une bande dessinée très colorée, haute en couleur, avec tous les contrastes sentimentaux.

Le scénario reste relativement simple. La BD relate l’histoire d’un périple le long d’un torrent, au cours de laquelle Juliette se perdra plusieurs fois sans jamais retrouver son amour. On aurait certes pu souhaiter plus de caractère chez les autres personnages, ou des ressorts psychologiques plus approfondis. En réalité, En silence décrit les troubles qu’a pu éprouver l’auteure elle-même (comme tout un chacun qui a vécu une rupture) à un moment de sa vie. Audrey Spiry a écrit ainsi une histoire intimiste dessinée, une autobiographie colorée d’un peu de fiction, un roman graphique à clef.  Sous cet angle, cette histoire de canyoning aux superbes dessins, prend alors une toute autre ampleur.