Le Voyageur, c’est Patrick, un des gardiens du musée du Louvre. Il s’ennuie à mourir, jusqu’à ce qu’il parte en introspection, en suivant Mona Lisa sur les pas de son créateur, Léonard de Vinci. Une belle histoire, un dessin poétique et des couleurs très chaudes.
Patrick est un des gardiens du Louvre. Mais veiller sur Mona Lisa lui pèse. Autant que les lourdauds qui lui servent de collègues. Un jour, ce quinquagénaire morose et frustré plonge dans le célèbre tableau de La Joconde et s’enfuit dans une incroyable introspection. Rencontrant Léonard de Vinci, le vieux garçon se détache alors d’une mère castratrice avec qui il vit et qui lui a toujours caché la vérité sur son père. Patrick ne l’a pas connu. Mais une révélation maternelle inattendue et un voyage intérieur dans la Toscane du célèbre créateur libèrent totalement Patrick. Il ne sera plus jamais le « Patoche » de ses collègues. Patrick, lui, est prêt pour l’amour.

© Daniel Maghen, 2023
Un scénario enlevé et très profond
Théa Rojzman, à qui l’on doit, entre autres bandes dessinées, Mourir ça n’existe pas, signe ici un scénario d’une grande qualité. À la fois enlevé et très profond. À travers l’expérience de son personnage, un Monsieur-tout-le-monde, on plonge dans la Toscane du créateur de La Joconde, ponctuée par des retours dans la réalité, morne, épaisse et lourde comme une porte de prison. Ennuyeuse. Mais Patrick, qui vit sous la pression maternelle depuis un demi-siècle, est bien décidé à briser ses chaînes. Son voyage est son plus grand salut. Il va même lui permettre de rencontrer l’amour qui était à deux pas.
Le dessin de Joël Alessandra, qui a signé de nombreuses biographies de musiciens en BD, est d’une grande poésie. Il y a de la finesse et de la délicatesse dans son trait symphonique. Ses couleurs alternent entre une gamme de bleus pour représenter la réalité et des tons très chauds, méditerranéens pour le voyage. C’est toute la splendeur de l’Italie qu’il donne à voir avec un coup de crayon maîtrisé.
Il met en lumière ce qui pourrait ressembler, chez Patrick, au syndrome de Stendhal : des troubles psychosomatiques qu’on trouve chez des personnes profondément bouleversées par une œuvre d’art. À moins que ce ne soit juste l’envie, pour Patrick, de vivre une autre vie : celle qu’il est enfin le seul à vraiment choisir.