Le dernier amour de Clemenceau est une histoire d’amitié amoureuse contée avec délicatesse, mais aussi une intéressante évocation des amitiés et des inimitiés politiques ou artistiques, du Tigre au soir de sa vie.
Quand Benoît Mély commence son récit qu’il a pris le soin de bien documenter, nous sommes en 1923. Georges Clemenceau a 82 ans. Le vieux Tigre n’a plus rien à prouver. Toutefois il a encore les crocs affûtés et il est prêt à pourfendre Raymond Poincaré ou le Maréchal Foch si nécessaire. Et il se met à ronronner comme un gros chat quand il fait la connaissance de Marguerite Baldensperger, jolie femme de 40 ans, aisée, éditrice et épouse d’un universitaire.
Ce que l’Histoire retient de la relation entre ces deux êtres que 42 ans séparent, c’est près de 700 lettres que le vieil homme écrivit à Marguerite sur une durée de 6 ans avant de s’éteindre, et que cette dernière conserva précieusement. Ces écrits ont été publiés depuis. En revanche, Clemenceau brûla toutes les lettres de Marguerite, à la demande de cette femme mariée, qui savait bien qu’une telle relation était délicate, même sur le plan épistolaire. Ce qui a amené Benoît Mély à imaginer tout ce qui ne nous est pas parvenu. Il s’agit donc d’un roman graphique et non pas biographique, même si la bibliographie présentée en fin d’ouvrage montre que Benoît Mély a solidement balisé le cadre de son histoire.
© Des ronds dans l'o, 2023
Il en ressort un livre touchant, bien ancré dans le contexte de son époque, nous éclairant sur les engagements de Clemenceau, homme de conviction. C’est aussi une réflexion en filigrane sur l’approche de la mort et du deuil (Marguerite ayant perdu une fille de 17 ans, peu avant de rencontrer Clemenceau). « Je vous aiderai à vivre et vous m’aiderez à mourir », lui dit-il. Le dessin de Mély est à l’image de cette délicatesse, nous dressant le portrait d’un Clemenceau physiquement affaibli mais volontaire et d’une Marguerite Baldensperger élégante dont le regard mélancolique s’éclaire à nouveau.
Clemenceau se targuait d’avoir eu dans ses bras un certain nombre de femmes. Il eut Marguerite dans ses pensées. Et nous ne les oublierons ni l’un ni l’autre.
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