La Philosophie du Crime
Quand un spécialiste de l’Histoire de l’Art tue gratuitement, est-ce de l’Art sous la forme de crimes ou des crimes déguisés en œuvres ? Antonio Altarriba, le scénariste de Moi, Assassin nous do...
27 mars 2015
-Interview
Carlos Portela Orjales, Keko, Antonio Altarriba, Alexandra Carrasco, Carlos Portela
Éditeur : Denoël Graphic
Scénario : Keko, Carlos Portela Orjales, Carlos PortelaTraducteur : Alexandra Carrasco
Préface : Antonio Altarriba
Collection : Denoël Graphic
Genres : Polar / Thriller, Roman Graphique
Prix : 25.00€
Scénario
5.0Dessin
4.5La loi très restrictive de Floride interdit à tout individu condamné pour délit sexuel de vivre à moins de 1000 pieds d'un endroit où étudient ou jouent des enfants. C'est ce qui fait de Contrition Village un terrible ghetto de pédocriminels, violeurs et harceleurs. Et, forcément, quand une mort bizarre par immolation frappe l'un de ses résidents, l'enquête ne peut prendre qu'un tour de plus en plus noir à mesure qu'elle s'enfonce dans les ténèbres d'une Amérique hantée par le péché.
Contrition Village est un de ces récits coup de poing dans un gant de velours noir. Une enquête dans une communauté de pédophiles abstinents réunis par choix (ou non) dans un quartier pas comme les autres. Sans voyeurisme sordide. Très fort.
Contrition est une histoire qui marque, tant par son scénario que par son dessin. « Noir » est le qualificatif qui vient spontanément à l’esprit pour cette œuvre à l’efficacité redoutable, sans effet de manche. Mais on pourrait ajouter « gris » car la construction au cordeau du récit par Carlos Portela (scénariste reconnu en Espagne) va bien au-delà du nécessaire contraste Bien / Mal.
Une communauté de pédophiles ayant purgé leur peine vit à Contrition Village, un quartier loin de tout lieu fréquenté par des enfants, comme la loi de Floride l’impose. La couverture montre l’un de ces hommes assis devant chez lui, une pancarte plantée dans son gazon précisant qu’il est un prédateur sexuel. Ambiance... De son nom Christian Nowak, il est en fuite, aidé par un mystérieux compagnon, Tomasson. Marcia, une journaliste qui s’ennuie dans son travail va prendre cette affaire à cœur pour en démêler les fils.
Contrition © Denoël Graphic, 2023
Le scénariste multiplie les angles de réflexion. Si une rédemption était possible, pourrait-on pardonner quand on est parent d'une victime ? Le tempo est plutôt lent, nous imprégnant de cette atmosphère délétère. La psychologie des personnages est suffisamment approfondie (à l'exception peut-être de la journaliste qui fonce droit dans le mur) pour que l'on vive le récit. Sans que jamais on ne sombre dans le voyeurisme.
Le dessinateur Keko, espagnol également, déploie sa palette de noir et de noir (avec un peu de blanc seulement !) pour nous immerger dans cette histoire. Ses effets de matière, souvent charbonneux, contribuent à l'ambiance lourde qui suinte des murs et des âmes de Contrition Village. Ses décors sont souvent faits à base de photos, mais tellement retravaillées que le résultat s'intègre bien dans les dessins. Son style graphique fait penser aux comics indépendants.
Un album surprenant, mûri, jamais racoleur, sans scènes de violence, mais qui fait froid dans le dos.