La Truie, le Juge et l'Avocat

Au Moyen Âge, l'homme jugeait les animaux à la barre du tribunal. C'est le cas de cette truie accusée d'avoir tué un cavalier. Épris de justice, un avocat devenu mendiant en profite pour se refaire une réputation... Une fable au scénario bien ficelé qui se laisse facilement lire,  illustrée par un dessin naïf qui sied au ridicule du contexte…

Non, vous ne rêvez pas. Avant que la société du XXIe siècle ne se préoccupe du bien-être animal, l'homme, au Moyen Âge, jugeait les bêtes à la barre des tribunaux. C'est le cas de la truie, mise en scène avec humour dans cette BD qui dépeint à merveille le ridicule de certains procès d'alors. Accusée d'avoir volontairement tué un cavalier en circulant avec ses porcelets, la voici en train de comparaître devant le procureur.

Malheureusement pour la grosse bête rose, le plaideur n'a pas pu faire le déplacement pour la défendre : souffrant des entrailles, il est bloqué sur le trône. Un avocat devenu mendiant, épris de justice, en profite pour tenter de se refaire une réputation en défendant la truie. Sa brillante démonstration saura au moins convaincre la femme du juge, violée et violentée au quotidien pour que monsieur puisse remplir son devoir conjugal. Au final, il y a peut-être la lueur d'espoir d'une justice.

© Delcourt

C'est une fable fort originale que nous conte Laurent Galandon. On connaissait son attrait pour la justice depuis les trois tomes de la série L'Avocat, dont il est le scénariste. Son goût, aussi, pour la justice sociale à travers la BD dédiée aux ouvriers de Lip, dessinée par Damien Vidal. Les deux auteurs s'emparent ici d'un thème qui, s'il peut paraître saugrenu au premier coup d'œil, se révèle passionnant pour toutes les personnes intéressées de près ou de loin par la justice des hommes. Et donc, par extension à cette époque et, aussi hallucinant que cela puisse sembler, à celle des animaux.

Le dessin naïf de Damien Vidal, son trait simple et ses couleurs très classiques n'aurait pas pu être plus adapté à cette bande dessinée qu'on a envie de qualifier d'Ovni. Car si l'histoire ne manque pas d'humour en mettant au premier plan la bêtise humaine, elle dépeint une société et des mœurs au goût de rance et d'amertume. De la truie, du juge et de l'avocat, on sait maintenant qui est le plus sale des trois.