Cette fable rurale ultra-réaliste est une BD coup-de-poing. Autant dans le récit de Sylvain Bordesoules qui adapte diablement bien le roman de Simon Johannin, que dans son dessin, entre figuration et abstraction. Attention, pépite à l’horizon.
Deux enfants. Langage de charretiers. Cadavres d’animaux. Glaçage intégral, dès les premières pages. L’Été des charognes nous plonge dans le quotidien campagnard de petites gens. De jeunes rompus aux étés rythmés par les travaux des champs. De Tonton Mo qui sort de taule et arbore ses premiers tatouages. Naissance de la petite délinquance. Et puis, il y a ces moments de trêve pour les jeunes du coin. Lorsqu’ils se retrouvent tous chez Didi, une ancienne aubergiste. La seule du village à avoir la télé. Mais un jour, Didi n’est plus.
L'été des charognes © Gallimard, 2023
Barbecues entre amis. Blagues douteuses. Premières amours. Désolation. Chute. On suit le narrateur et ses potes dans leur fuite en avant. Où les conduira-t-elle ? Trouveront-ils leur place dans le chaos du monde ? Les damnés de la terre côtoient les marginaux. Contre un coup de main dans les fermes, personne ne leur pose de questions, à ces gueules cassées des temps modernes, leurs chiens pour seuls compagnons. Sylvain Bordesoules, jeune auteur, livre une BD plus que prometteuse en adaptant L’Été des charognes, un roman de Simon Johannin.
Comédie humaine
Plus de 280 pages qui pissent le sang, la sueur et les mauvaises odeurs. La complexité des relations humaines transpire à chaque page. Les conflits entre parents et enfants, entre frères et potes, les barbecues trop arrosés où les pétards finissent inévitablement par embrumer les esprits déjà encombrés au dessert, le rouge qui tache et les mouches à cadavres. Tout cela est dessiné avec un coup de crayon virtuose. Une peinture de société qui nage en pleine figuration. Et glisse, lorsque la narration s’y prête, dans l’abstraction. C’est effrayant, mais tellement beau.
L'été des charognes
© Gallimard, 2023
L’Été des charognes fait partie de ces œuvres qui interrogent. Poussent le lecteur dans ses retranchements. Loin. Très loin. Pour n’en sortir que grandi, à l’issue d’un final optimiste. Car oui, quelles que soient les embûches qui obstruent le chemin, chacun peut prétendre, un jour, à sa part des anges.