Une tranche d’Histoire de l’Espagne quand, en Catalogne, deux factions rivales s’affrontaient sans merci au détriment, comme toujours, du peuple qui crevait de faim. Une fable édifiante au dessin classique et maîtrisé.
La Catalogne est déchirée par la guerre qui oppose les carlistes, absolutistes partisans du frère de feu le Roi Ferdinand VII et les libéraux (prônant la division des pouvoirs), qui soutiennent la fille du Roi désignée héritière du trône par son père sur son lit de mort (alors qu’elle n’est « qu’une femme », situation inacceptable pour leurs adversaires !). Ceux qui trinquent le plus de cette lutte sanglante ? Le peuple, bien sûr.
L'âne se présente comme une fable se passant dans le monde rural ayant pour héros deux vieux Catalans et un âne. L'ingéniosité d'un des deux compères, Cusmet, va peut-être lui permettre de se sortir d'un sacré guêpier : s'il veut revoir son âne provisoirement confisqué par les libéraux, il doit se débrouiller pour récupérer un « gamin » prisonnier des carlistes dans leur fief montagneux. Autant se jeter dans la gueule du loup ! Mais Cusmet tient à son âne et ne manque pas de jugeotte…

L'Âne 1838, guerre et famine © Idées+ Éditions, 2023
Oriol Garcia Quera est un auteur catalan qui aime concevoir des BD historiques se passant dans sa région. Son récit est documenté, comme le démontre le dossier introductif (indispensable pour le lecteur français qui connaît mal l'histoire de l'Espagne) et le dossier complémentaire en fin d'album. Son encrage épais est un peu daté et le papier, trop glacé, ne rend pas justice au trait ni à la mise en couleur, mais le dessin tient tout à fait la route ! Les deux vieux sont savoureux même si le fond du propos reste grave : les « petites gens », prises au piège entre les deux factions assoiffées de pouvoir et de sang, crèvent de faim. La raison pour laquelle Cusmet tient plus que tout à son âne, visiblement son seul bien.
L’auteur, scrupuleux, a fait valider par deux historiens son propos. Sensible au destin des oubliés de l’Histoire, il renvoie dos à dos carlistes et libéraux. Un ouvrage intéressant et agréable à lire, malgré une couverture à la maquette datée, peu attirante.