La Marche Brume T.1 : Le Souffle des choses

Après son mémorable Peau de mille bêtes, paru en 2019, Stéphane Fert revient avec un diptyque fantastique et mystérieux, dans un univers noyé dans une brume où se devinent d’inquiétantes créatures. Une jeune ogresse, adoptée par une communauté de sorcières, décide de prendre le taureau par les cornes.

La Marche Brume, T.1 © Stéphane Fert, Dargaud

C’est ton destin

Recueillie bébé par Grisette et ses amies sorcières, Tempérance est aujourd’hui une grande jeune femme, aimée de toutes celles qui constituent désormais sa famille. Bien qu’elle comprenne par sa taille, sa propre nature et les pouvoirs qui lui permettent de voir à travers cette inquiétante Brume, qu’elle soit indéniablement différente, elle accepte ces particularités, bien consciente qu’un jour, il lui faudra peut-être partir. Chaque jour toujours plus présente, cette inquiétante Brume menace de plus en plus ses amies, malgré le fait que Tempérance soit la seule à réussir à la repousser.

Il est dorénavant temps de réagir, en s’attaquant aux sources du problème. Entourée par celle qui l’a élevée, de ses tantes Esther et Asma, ainsi que d’une jeune humaine, la jeune ogresse quitte le village, à la recherche du cœur de la Brume…

Il était une fois, une jeune « femme » différente

Heureux de retrouver cet univers graphique éblouissant, ces ambiances de conte, il faut malgré tout reconnaître que ce premier volume n’a pas forcément la même ambition que le précédent, au moins sur le plan graphique. Il faut dire qu’avec Peau de Mille Bêtes, Stéphane Fert poussait vraiment les limites de sa narration, de ses expérimentations visuelles, avec une vraie maestria narrative. Toutefois, au-delà de cette comparaison vaine, qui ne rend pas justice à la beauté des planches de cet album, le scénario gagne progressivement en profondeur, proposant une intrigue de très belle facture avec des enjeux à la fois dramatiques et d’une grande finesse.

L’histoire est captivante et les interrogations légitimes de cette jeune fille sur ses origines, sur ce passé dont elle ne connaît finalement pas grand-chose (comme le lecteur, d’ailleurs) nous plongent dans une intrigue particulièrement subtile. Elle qui rêve de faire partie de cette communauté, d’avoir sa place, qui accepte de suivre la cérémonie initiatique, qui… Elle a peut-être simplement peur que sa véritable nature puisse être au final un danger pour celles qu’elle aime.

Un univers qui se construit, une héroïne récurrente

Plus on avance, plus la tension monte. Stéphane Fert ne se contente pas poser les bases de son récit, il installe au fur et à mesure un cadre cohérent dont on n’a peut-être pas tous les ressorts pour l’instant, mais qui intrigue, avec une vraie évolution des personnages et quelques embryons du passé qui nous amènent des débuts de réponses.

La Marche Brume, T.1 © Stéphane Fert, Dargaud

Au fil de ses albums plus personnels, l’artiste construit un univers extrêmement touchant qui nous renvoie à de multiples contes remplis de créatures mythologiques, de femmes extraordinaires, des princesses, des guerrières, ou tout simplement des Ogresses qui veulent s’accomplir en dehors des sentiers balisés. Car voilà, Tempérance est avant tout une héroïne qui ne souhaite pas forcément s’abstraire d’une communauté ou combattre des préjugés phallocrates, mais bel et bien de pouvoir choisir elle-même son destin, au gré de ses sentiments, de ses envies, sans qu’on n’aille systématiquementla limiter à sa nature propre.

Avec son scénario plein de rebondissements, de coups de théâtre, de petites scènes très sympathiques et de dialogues qui font sourire, La Marche Brume se présente indéniablement comme l’une des plus belles surprises de la rentrée.