Porto Rico. Non, ce n’est pas un cocktail, mais bien une île, colonie américaine dans les Antilles. Un territoire dont les Français ne connaissent rien ou presque. Ca tombe bien, en août, les éditions Ici-Bas traduisent Et l’île s’embrasa, œuvre de John Vasquez Mejías, consacrée à la tentative de révolution autonomiste des années 50. Une œuvre non pas dessinée mais gravée sur bois.
Double découverte.
En 1950, l’île de Porto Rico est dominée par les États-Unis. Terre la plus à l’Est du pays, elle n’est pas un état, mais un territoire non incorporé du Commonwealth. Et tandis que le monde entier vibre des mouvements de décolonisation, un groupe de Portoricains tente de déclencher un mouvement pour obtenir l’indépendance de l’île, allant même jusqu’à essayer de tuer le président américain Harry Truman. Voici leur histoire.

Et l'île s'embrasa © John Vasquez Mejíasn Ici Bas
Une œuvre pédagogique
Premier intérêt de cet album, apprendre un pan d’Histoire totalement méconnue. Alors que les États-Unis ont construit leur domination après la Seconde Guerre mondiale autour de l’idée de liberté et contre le colonialisme européen, il est savoureux de voir qu’ils pouvaient se comporter exactement comme les anciennes puissances. Le document reproduit dans le livre, qui présente la déclaration des autorités contre la révolte, est un modèle du genre d’hypocrisie anti-démocratique.
Mais pour autant, le lecteur français pourra se retrouver frustré. L’album est finalement assez court et il développe peu les événements décrits. On a le sentiment de survoler l’histoire. L’auteur ne prend pas assez en compte celles et ceux qui ne connaissent rien à cette île. C’est dommage, mais peut-être aussi lié au défi technique qu’il s’est lancé.

Et l'île s'embrasa © John Vasquez Mejíasn Ici Bas
Une feuille de papier n'est qu'une planche en bois
John Vasquez Mejías n’a pas dessiné sa BD sur papier, encore moins sur tablette graphique. Il a gravé ses dessins sur du bois. L’impression s’est donc faite à l’ancienne, avec les reliefs et les creux créés par le travail du bois. Les pages sont remplies de détails, témoignant du volume de travail fourni par l’artiste. Il joue avec des noirs et blancs tranchés, sans nuance. Clarté et obscurité se font par la masse d’espaces laissés à l’encre pour s’insinuer. Le trait s’y fait aussi plus rigide, le ciseau à bois étant moins maniable que le pinceau. Pour autant, le dessin acquiert de cette façon un style « ethnique » tout à fait adapté au propos.
Mais donc, avec une telle quantité de travail graphique, il était compliqué de multiplier les pages et de déployer le récit avec la profusion qui aurait été nécessaire.
Et l’île s’embrasa fait donc partie des petites pépites qui passeront inaperçues dans la masse des sorties BD de fin d’année. Mais les amatrices et amateurs de BD expérimentale y trouveront une source d’intérêt certaine.