Géraldine - Et le monde merveilleux et laborieux du livre

De l’idée d’un livre à sa présence entre les mains du lecteur, il y a malheureusement bien plus qu’un pas…

Des livres, nous en lisons presque toutes et tous ou du moins, nous sommes en contact avec l’objet. Mais bien peu connaissent en détails la chaîne qui les fait exister, vendre et promouvoir. Graphiste, sérigraphe et familière du fanzinat, Mara Kabar a choisi comme thématique, lors de sa résidence proposée par le festival Formats dans le Morbihan, ce parcours du combattant qu’est la conception et la production d’un livre.

Il n’est pas étonnant que cet ouvrage soit publié et défendu par les éditions de l’Œuf, une structure indépendante rennaise ayant toujours à cœur de défendre avant tout l’expérience humaine et d’impliquer étroitement les auteurs dans le processus éditorial. Et quelle expérience que celle de donner vie à un ouvrage, qui plus est, une bande dessinée !

Géraldine © Éditions de l'Œuf

D’obédience documentaire, ce petit livre facile à appréhender, mais cependant très complet ne m’inspire qu’un seul et unique regret, que son autrice ait fait le choix de ne pas se mettre elle-même en scène au profit d’une alter ego nommée Géraldine. Parti pris qui devrait cependant bien moins chiffonner le reste du lectorat que la die hard fan d’autobiographie dessinée que je demeure.

Ici, Géraldine/Mara alterne planches et textes dans la plus pure tradition de la BD documentaire, enrichissant le tout de notes de marges destinées à appuyer le propos à grands renforts de références bibliographiques et de statistiques. Tout y passe à peu de choses près, de l’étincelle première aux contrats d’édition en passant par la maquette, les techniques d’impression, les marathons promo, le rôle du diffuseur ou encore celui du libraire. Graphiques et lexiques permettent quant à eux une compréhension optimale tandis que l’humour sous lequel affleure parfois quelques piques bien senties permet d’allier utilité pédagogique et plaisir de l’ironie.

© Éditions de l'Œuf

Inutile de dire que chaque auteur débutant ou futur éditeur usant ses Levis oversize sur les bancs des BTS devrait avoir lu et relu ce petit bouquin afin d’être bien certain de savoir dans quel panier de crabes il va mettre les pieds.

Restera alors la motivation et la passion, celle de tenir entre ses mains un artefact fleurant bon l’encre dont on se sait en partie responsable et qui seul parfois nous fait tenir bon. Car comme le conclut très justement Mara : « Géraldine aura travaillé disons deux ans sur son livre et percevra peut-être en totalité 5000 € en fonction des ventes. Dur. Et c’est toute la chaîne du livre, enchaînée, boulet au pied, qui serait à péter pour qu’elle touche plus, parce que tout est verrouillé, les pourcentages sont fixés, l’économie injuste est bien en place. »