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Grand frère

couverture de l'album Grand frère

Éditeur : Des Bulles dans l'Océan

Dessin : DwaAuteur :

Prix : 25.00€

  • ZOO
    note Zoo4.0

    Scénario

    4.0

    Dessin

    4.0
  • Lecteurs
    note lecteurs
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Le synopsis de l'album Grand frère

Grand frère est chauffeur de VTC. Enfermé onze heures par jour dans sa "carlingue" , branché en permanence sur la radio, il rumine sur sa vie et le monde qui s'offre à lui de l'autre côté du pare-brise. Petit frère est parti par idéalisme en Syrie depuis de nombreux mois. Engagé comme infirmier par une organisation humanitaire musulmane, il ne donne plus aucune nouvelle. Ce silence ronge son père et son frère, suspendus à la question restée sans réponse : pourquoi est-il parti ? Un soir, l'interphone sonne. Petit frère est de retour. Un album à l'humour imagé qui aborde la grave question du terrorisme et explore un monde de travailleurs uberisés, de chauffeurs écrasés de solitude, luttant pour survivre, mais décrit aussi l'univers de ceux qui sont partis faire le djihad en Syrie : l'embrigadement, les combats, leur retour impossible en France... Emerge ainsi l'histoire poignante d'une famille franco-syrienne, dont le père et les deux fil


Une saison en grand frère

Le quotidien terne et morose de « Grand frère » est bouleversé lorsque son cadet, recherché par la police, revient de Syrie. Une adaptation du livre de Mahir Guven, prix Goncourt du Premier roman en 2018.

Grand frère est d’abord un texte avec des mots qui claquent et des paroles qui résonnent, avec deux personnages qui déclament leur vie, leurs regrets, leur douleur et leur espoir. Ils parlent pour eux, dans leur for intérieur, presque comme une confession. Parfois ils dialoguent, mais se comprennent-ils encore, ces deux frangins, l’un chauffeur Uber qui nous assène dès les premières pages que « quoi qu’il vous arrive dans la vie, toutes les routes mènent à la tombe » et l’autre, élève infirmier parti en Syrie, désormais de retour en France ? Plus qu’un roman graphique, cet ouvrage est d’abord un slam dessiné, une tribune engagée où les personnages déclament leur sentiment avec leur langage et leurs expressions. Un parler, celui de la banlieue, que la plupart d’entre nous entendent sans vraiment le maîtriser. Il y a donc de la poésie dans cette BD, avec une rythmique qui laisse présager un récit dur pour une réalité complexe.

Grand frère ne se lit pas d’une traite, mais avec plusieurs pauses. Il faut bien cela pour intégrer ce phrasé sur près de 180 pages. Ne nous trompons cependant pas : le sujet de cette BD n’est pas le retour en France d’un complice de Daech, mais bien celui du destin, des choix, des regrets, du poids de la famille et de ce quotidien tellement loin des idéaux. Témoignage à deux voix, cette œuvre décrit le parcours d’une fratrie au père syrien et à la mère bretonne. Il y a « grand frère » donc, petit délinquant, chassé de l’armée, devenu chauffeur VTC, cynique et résigné. Il voit sa vie défiler depuis son parebrise et regarde l’autre France, celle des cadres, des bobos, des richards dans son rétroviseur. Et puis, il y a « petit frère », jeune infirmier idéaliste, parti faire de « l’humanitaire » en Syrie pour aider les opposants d’Assad ; il se retrouve à servir l’État Islamique. Ces personnages n’ont d’ailleurs pas de nom, comme pour mieux souligner l’anonymisation de notre société, ce peu d’intérêt que l’on porte à ces premiers de corvée, que l’on croise sans vraiment les voir, ceux « qui ne sont rien » pour reprendre une expression malheureuse. On ne peut d’ailleurs être que frappé par la solitude des personnages qui vivent une vie besogneuse, sans vraiment vivre, sans lien, sans véritables amis. « Onze heures par jour. C’est pas un travail, dit « Grand frère », C’est l’apprentissage de la meilleure manière pour faire passer le temps. »

Dans ce contexte, le dessinateur malgache Dwa a opté pour des couleurs très sombres, comme pour prolonger ce sentiment de vague à l’âme. Nous sommes très loin de ses aquarelles habituellement flamboyantes au risque peut-être pour les dessins de perdre de leur impact. La scénariste Mounya Boudiaf a choisi, avec raison, de coller au texte original. De ce fait, le graphisme illustre forcément plus qu’il ne raconte avec parfois une sensation de mise en scène un peu trop théâtralisée, mais qui reste efficace. N’était-ce cependant pas un petit travers inévitable quand on veut mettre en avant un grand texte ?  En tout cas, Grand frère est un livre qui bouscule et qui secoue, abordant un sujet finalement encore peu traité en BD : celui du mal-être français. Il décrit très objectivement, sans chercher d’excuses ni de justifications aux protagonistes de l’histoire, ce sentiment d’exclusion, de déclin et de blocage de l’ascenseur social. Il est ainsi remarquable de constater que c’est un éditeur réunionnais, à l’autre bout de la France, avec un dessinateur situé sur une île voisine de l’océan Indien, qui publie aujourd’hui un des portraits sociologiques les plus fidèles et les plus réalistes de la France des villes et des banlieues.

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