Ivo a mis les Voiles

Ivo n’est peut-être qu’un nom sur un certificat de décès, enterré quelque part, à des milliers de kilomètres de là, pourtant Pedro compte bien lui rendre un dernier hommage en retrouvant sa trace le long des côtes brésiliennes.

Après tout, que nous raconte cet album ? Un long voyage, ponctué de rencontres, la quête nostalgique d’un jeune homme parti à la recherche d’un oncle mystérieux avec qui il avait construit petit à petit un lien assez mince, mais solide. Pedro remonte la piste laissée par Ivo, d’étape en étape, il écoute les mots de ceux qui ont pu croiser la route de ce vieil homme qui n’avait pas vraiment l’habitude de se confier. Il voit se dessiner devant lui un portrait plus nuancé qui évoque le silence, une personnalité secrète, mais attachante.

Un pas devant l’autre

Mais ce road trip est double. Les deux hommes s’aventurent en parallèle sur des chemins séparés, à la recherche d’eux-même. Si Pedro trace sa route lentement au grès des sentiers, auprès de ceux avec qui il accepte de partager un moment, un verre ou même parfois plus, il garde le regard plongé vers le visage du vieil homme qu’il ne veut se résigner à oublier. Peut-être que dans les errances d’Ivo, reconnait-il son propre besoin de se déraciner, de se laisser porter loin des repères, même si la belle Vania n’est pas loin, même si elle l’attend, même si… Ce voyage c’est en quelque sorte sa tentative pour mieux comprendre un homme qui le fascinait, plus jeune, pour essayer de saisir la petite étincelle qui pouvait l’animer, le pousser à partir.

Ivo a mis les voiles © Sarbacane

Une lecture immersive

Si l’intrigue de l’album est parfaitement claire dès le début, on comprend très vite que le plus important va être le voyage en lui-même, bien plus que la destination. On observe les deux hommes qui multiplient les rencontres, qui se dévoilent au fil des échanges, des moments partagés avec ceux qu’ils côtoient, ces micro-histoires perpendiculaires qui viennent donner de la saveur au récit, de la texture. On rit en regardant le vieux Bira faire le coq, on soupire devant les baisers discrets entre Pedro et Vania, devant les souvenirs de Zoé. L’album se divise encore et encore, il devient drôle, triste, romantique ou simplement nostalgique, on s’éloigne du voyage de Pedro, on l’oublie et l’on y revient doucement…

Nicolaï Pinheiro nous livre une œuvre extrêmement profonde et touchante qui nous bouleverse par la finesse de son regard et la justesse de l’écriture. Il n’y a rien de trop ni de pas assez, cette quête nous transforme petit à petit par son naturel et cette force tranquille qui s’en échappe.

Un très bel album qui mériterait d’être redécouvert.