Un récit beau et sensible, très actuel, qui entraîne dans les tourbillons de la Réalité Virtuelle sans oublier la Vraie Vie, qui peut finalement naître partout. Cette quête amoureuse est magnifiée par un dessin où le jeu des couleurs fait écho au dilemme de l’héroïne, partagée entre deux hommes.
On est d’entrée immergé dans une ambiance particulière, lors de la rencontre entre Marsu, jeune architecte, et Thom, concepteur d’univers virtuel. Tous deux travaillent sur des projets novateurs et se plaisent immédiatement. Les autrices nous le font ressentir aux mots échangés, aux attitudes... Toutefois, Marsu est mariée et amoureuse, aussi rien ne se passe. Puis elle goûte au monde virtuel créé par son nouvel ami et peu à peu elle bascule, happée par cette altérité proposée par Thom. Resteront-ils à la frontière d’une amitié amoureuse ?
Le Champ des possibles © Dupuis, 2024
La scénariste Véro Cazot (Olive, dessiné par Lucy Mazel) livre un récit tout en subtilité, qui renouvelle les histoires à la Jules et Jim. Elle nous parle de la vie qu’on mène, de celle qu’on aimerait avoir, des rêves que l’on voudrait réaliser sans renoncer à ce que l’on a déjà. La science est facilitante, mais elle peut se transformer en miroir aux alouettes, voire en piège. C’est ce monde schizophrénique qui est dépeint ici, par petites touches qui permettent une vision nuancée de chimères très contemporaines.
Anaïs Bernabé (a dessiné deux tomes de Sasmira pour Laurent Vicomte) s’est coulée avec bonheur dans le récit, offrant deux styles (encres ou crayons de couleur) selon que l’on est dans le monde réel ou dans « l’autre réalité », que l’on ne peut nier (après tout, une réunion en visio a autant de conséquences qu’une réunion en présentiel…).
Marsu peut-elle mener deux vies en parallèle, une « réelle » avec son mari et une « virtuelle » avec Thom ? Nous sommes sous le charme du récit et acceptons de bon cœur de tenter l’aventure, haute en couleurs (splendides).
Article publié dans le Mag ZOO N°96 Janvier-Février 2024