Peu de temps s’est écoulé depuis la fin de 1984. Nous sommes immergés ici dans un univers très cohérent avec celui développé par George Orwell. Pas de trahison, mais une prolongation avec une recette déjà éprouvée par Xavier Coste dans son adaptation de 1984. Pari réussi.
Il faut sans doute être culotté pour oser faire une suite à 1984, le roman culte de George Orwell ! Mais Xavier Coste, encouragé par le très bon accueil réservé à l’adaptation en bande dessinée qu’il en a faite en 2021, s’est lancé dans l’aventure : il vient de réaliser Journal de 1985, avec l’aide de Philip Börgn comme co-scénariste. Nous sommes donc début 1985. Un nouveau gouvernement a été mis en place. Mais rien n’a changé ou presque : Big Brother a toujours un pouvoir absolu sur l’Océanie (bloc composé des pays anglo-saxons, même si nous ne voyons que l’Angleterre) et une nouvelle vague d’épuration a lieu.
Pour assurer en douceur la transition avec 1984, les auteurs ont la bonne idée de faire intervenir dans une courte première partie Winston et O’Brien, deux acteurs clés du roman. Puis nous découvrons de nouveaux personnages, à commencer par Lloyd, un activiste appartenant à une cellule de résistants. Ses membres peuvent d’ailleurs se révéler aussi impitoyables que le système qu’ils combattent. Coste et Börgn permettent ainsi de ne pas verser dans un récent manichéen. Lloyd a un jumeau « collabo » dont il va prendre la place, se retrouvant au cœur du système qu’il combattait. Ce ressort scénaristique, certes plus que classique, est utilisé à bon escient. Il relance bien l’intrigue.
Journal de 1985 © Sarbacane
Un bel ouvrage qui forme un tout avec l’adaptation de 1984
On peut vraiment considérer Journal de 1985 comme la seconde partie d’un diptyque incluant 1984 version BD. L’histoire reste dans la continuité de celle créée par Orwell même si certains sujets, comme la novlangue, ne sont plus abordés. Le dessin de Xavier Coste, à la fois élégant et oppressant (une gageure !), a su créer une atmosphère très Orwellienne. On retrouve ici avec plaisir cet univers visuel stylisé, à la gamme chromatique limitée, mais changeante au fil des séquences, comme dans son adaptation de 1984. Les personnages, bien qu’ils ne soient parfois que suggérés, ont de la densité par le jeu des masses et des ombres. Leur angoisse est palpable. Le traitement de l’architecture est spectaculaire. Et ce pavé de plus de 250 pages reprend le format carré que Coste avait appliqué à son 1984.
À lire, donc, si on n’est pas rétif aux suites écrites par des auteurs autres que les romanciers originels. En attendant de voir en 2027 l’adaptation de 1984 en film d’animation par le même Xavier Coste !
Article publié dans le Mag ZOO N°100 Septembre-Octobre 2024