L’hiver dans les forêts wallonnes est un cadre très graphique, traité avec talent. Cette fuite de deux prêtres poursuivis par des sorcières et des révolutionnaires est à découvrir, même si le scénario aurait pu être plus charpenté.
Ghi est un nouveau venu dans le monde de la bande dessinée. Son dessin séduit d'emblée. Très fluide, donnant beaucoup de dynamisme à son histoire qui se passe dans les forêts belges, l'hiver. Forêts qu'il doit bien connaître car quand il ne dessine pas, Ghi est garde-forestier. Mais a-t-il vraiment, au détour d’un bois, vu des macrales, mot wallon qui désigne les sorcières ? Qui sait…
Ghi a des influences visibles (dont Larcenet, avec par exemple le nez des macrales) mais elles sont déjà bien assimilées, un style se dégage. De plus, l'artiste a un réel talent de découpage et de mise en page. Même s'il ne charge pas son dessin, le lecteur peut passer du temps à admirer chacune de ses planches. Le plaisir du dessin est manifeste.
Macrales et Corbeaux © Collection Treize étrange, aux éditions Glénat
L'histoire ? En 1794, un duo de prêtres, un vieux qui a roulé sa bosse et un plus jeune (mais pas tant que ça) cherchent un refuge sûr, emportant avec eux les reliques de Saint Lupicin. Qui fuient-ils ? En ces temps de Révolution française, les prêtres réfractaires sont pourchassés et éliminés. De plus, un quarteron de macrales les traque sans pitié. L'antagonisme vite visible entre les deux hommes d'église est un moteur pour le déroulé de l'histoire. Le père Martin semble avoir une vision assez libre de la religion et de ses symboles (il qualifie de « bibelots » calice et autre crucifix). Le frère Antoine a une vision plus traditionnelle de son sacerdoce, ou du moins il est plus classique dans sa vision de ce qu’un homme d’église peut faire ou non. La raison de l'animosité des macrales est donnée à la fin de l'histoire, mais on peut s’en douter si on est un lecteur attentif.
Le scénario est un peu léger, il flotte parfois, mais le cadre, le contexte sont bien trouvés. Et surtout nous avons le plaisir de découvrir un dessinateur avec un réel talent. Lisons ce Macrales et corbeaux comme un hors-d'œuvre, déjà bien appétissant, avant d'espérer découvrir bientôt un plat plus consistant.