ZOO

Le jour d'avant

couverture de l'album Le jour d'avant

Éditeur : Steinkis

Auteur :

Prix : 26.00€

  • ZOO
    note Zoo5.0

    Scénario

    5.0

    Dessin

    5.0
  • Lecteurs
    note lecteurs
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Le jour d'avant, au nom du père et en hommage au frère mineur

Michel Flavent, frère de Joseph, un mineur de Liévin, veut venger son frangin que la mine lui a volé. Pour cela, il commet l'irréparable, au nom du père et en hommage à son grand frère, trop tôt disparu. Des années après, il commet un crime pour que personne n'oublie jamais que le 27 décembre 1974 dans la fosse 3 de Lens. Cette BD exceptionnelle, à tous points de vue, décuple la force du roman éponyme de Sorj Chalandon, Le Jour d'avant.

Joyeux Noël. Ils venaient de se le dire. Deux jours avant. Avant le coup de grisou et de poussière qui a fait fermer les yeux une fois pour toutes à 42 mineurs et en a blessé 5 autres, dans les entrailles de la fosse 3 de Lens, à Liévin. Bienvenue dans le bassin minier du Pas-de-Calais. C'est ici que vit la famille Flavent. À la ferme : le père est paysan. Joseph, Jojo, qui traîne son petit frère Michel sur sa mob à fond les ballons, décide un jour de quitter son métier de mécano pour goûter au charbon. Jusqu'à l'accident. Qui aurait pu être évité, si l'homme ne poussait pas toujours ses subalternes à toujours produire plus. Déjà. Encore et toujours.

Le Jour d'avant

Le Jour d'avant © Steinkis

Des années plus tard, Michel ne parvient toujours pas à faire son deuil. Jojo le hante, lui manque. C'est injuste, et ça le rend fou. Et puis, en passant l'arme à gauche, leur père lui a fait part de sa dernière volonté. Alors, déterminé comme jamais, Michel ira jusqu'au bout. Jusqu'à commettre le pire. Pour venger son frère, et tous ces mineurs de fond qui ont donné leur vie entière et leur mort aux corons. Le jour d'avant, c'est celui qui a emprisonné Michel, dans sa tête, dans son cœur, dans son âme. À vie. Enfin, jusqu'ici. Cette adaptation par Romain Dutter décuple la force du roman de Sorj Chalandon, dont on connaît le talent pour raconter des histoires.

Le jour d'avant, c'est le Nord. Les corons. C'est la chanson de Pierre Bachelet et les chants des supporters de Lens dans les tribunes de leur stade de foot. C'est un concentré de cette culture de la dureté, du noir, du deuil, qui appartient à cette région et qu'on doit tous saluer, admirer. Devant Jojo, ses copains et Michel, devant leur terroir et leurs terrils, inclinons-nous. Devant ces hommes qui invoquaient Sainte-Barbe pour se protéger, patronne du feu et de tout ce qui tonne et détonne. Ces hommes qui, au péril de leur vie, on accepté de reconstruire la France de l'après-guerre en fournissant du charbon.

Le dessin de Simon Géliot met une claque. Comme une trace de noir de charbon sur la joue, une lampe de mineur qui éclaire la galerie ou les bières qu'on s'enfile au zinc pour oublier la dureté de la condition. C'est tout ce monde, ses hommes, ses femmes et ses enfants que donne à voir cette BD magnifique, réussie de bout en bout. On tombe rarement sur des niveaux narratif et graphique d'une telle stabilité et d'une telle intensité au fil de 240 pages. Un ouvrage qui, comme l'écrit Sorj Chalandon dans sa préface, a au cœur « l'intelligence du découpage, des choix éditoriaux, la noirceur graphique, l'évidence du propos et l'élégance brutale du trait ». Rien à ajouter si ce n'est d'inviter à la lecture du Jour d'avant. Pour ne jamais oublier ces hommes et ces femmes. Se souvenir d'eux. Les jours, les années et les siècles d'après.

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