Neuf

Cette bande dessinée de science-fiction se distingue par sa construction ambitieuse. Elle entraîne le lecteur dans des allers-retours temporels, chaque scène dévoilant un bout de l’intrigue. Le récit, empreint d'humanité, s'accompagne d'une dimension philosophique.

John C. Huebel, fils d’un célèbre astronaute décédé lors de l’explosion de sa navette spatiale, devient lui-même un brillant sujet de la NASA. Il est sélectionné pour une mission vers la planète Neuf, la neuvième du système solaire, dont l’existence est suspectée sans jamais avoir été prouvée. Son récit alterne entre épisodes de passé dévoilant certains éléments marquants de sa vie et le présent, résultat de ces évènements.

Tout d'abord, à 19 ans, John se trouve à bord d’un pick-up avec sa petite amie Astrid, avec qui il est en couple depuis deux ans. Sur une route de montagne, par une nuit d’orage, un camion surgit en face d’eux. Grâce à ses excellents réflexes, John parvient à éviter la collision. Il est ensuite surpris qu’Astrid soit encore vivante, comme s’il s’attendait à ce qu’elle périsse lors de cet incident. Dans une autre scène, John, enfant, regarde les étoiles avec son père. Ils discutent des grottes de Wittclod, situées à proximité. Son père lui interdit formellement de s'y rendre, craignant qu’il ne s’y perde. Tous ces éléments du passé vont avoir des répercussions dans la vie d’adulte du héros et nous permettre de comprendre l’intrigue.

Neuf © Dargaud

Philippe Pelaez structure son scénario de manière picturale. Tout au long de l’album, une multitude de scènes du passé sont révélées, permettant de suivre progressivement l'ensemble de l'intrigue. Cette construction complexe et rigoureuse est parfaite. Dès le début, le lecteur comprend que le héros est un être différent, incitant à s’interroger sur sa personnalité et à imaginer les intentions du scénariste. Cette méthode, comparable à celle d’un peintre ajoutant des touches de couleur sur une toile, révèle toute la cohérence de l’histoire à la fin de l’album. Le travail scénaristique de Pelaez est remarquable, faisant de cette bande dessinée probablement l'une de ses meilleures œuvres.

Gwénaël Grabowski, qui a fait ses débuts dans le neuvième art avec la trilogie Nautilus, atteint ici une certaine maturité graphique. Il illustre cette histoire dans un style réaliste, dans la ligne directe de l’école américaine, avec de grands aplats noirs. Son dessin rappelle celui de Franck Biancarelli, également marqué par cette influence. Sa mise en page, bien que classique, utilise trois ou quatre bandes par page selon l’action, avec des vignettes généreuses et des décors soignés. Il varie les points de vue, notamment dans les scènes d’action, pour dynamiser la narration.

Un excellent album qu’il faut lire et relire.