Racines

Rose est une jeune Réunionnaise. Et parmi les nombreux héritages de la culture créole, il en est un qu’elle se serait bien passée d’hériter : les cheveux crépus ! Avec ces derniers, le moindre brossage devient une torture capillaire ! Mais Rose est loin de se douter de ce que lui réservent les années d’étude à Paris. Là-bas, tous les cheveux lisses…

Passionnant !
Après Goupil ou Face (publié en 2021), Et à la fin, ils meurent (2021) et Comme un oiseau dans un bocal (2023), Lou Lubie s’attaque à un sujet de société de taille : les cheveux ! Racines conte l’histoire de la jeune Rose, une Réunionnaise « condamnée » à mener une lutte sans merci contre la nature crépue de ses cheveux. Une capillarité peu enviable lorsqu’on en voit la torture que suscite le moindre brossage et la logistique imposée par l’entretien d’une telle chevelure « pour être belle ».

Racines © Delcourt

Car bien plus qu’une quête d’émancipation, Racines s’avère être une véritable enquête sur le milieu capillaire ! Vous découvrirez tout sur les différentes textures de cheveux : les lisses, les bouclés, les frisés et les crépus (chacune des textures ayant leurs variantes). Saviez-vous que les cheveux asiatiques, européens et africains n’avaient pas le même diamètre capillaire ? Connaissez-vous l’impact de l’eau sur les cheveux ? Pourquoi frisent-ils ? Et surtout… le nerf de la guerre… le coût de l’entretien capillaire et la fréquence de passage chez le coiffeur que cela demande ! Le naïf que je suis était loin de se douter qu’une véritable petite mafia s’était formée autour de l’entretien capillaire des femmes : un domaine très lucratif et s’avérant très onéreux pour des clientes issues de milieux moins aisés ! Car oui, comme tout accessoire de mode, les cheveux sont un marqueur social !

On félicitera le graphisme relativement simple, mais suffisamment limpide pour mettre en images toutes les facettes des cheveux et du parcours de l’héroïne. Lou Lubie a opté pour la simplicité, et c’est un très bon choix. Mention spéciale pour la magnifique couverture de l’ouvrage !

Et n’allez pas croire que c’est une BD s’adressant aux filles ! Majoritairement épargnés par la pression sociale dans ce domaine, les hommes sont à des années-lumière d’imaginer le dixième du marché capillaire qui s’est organisé autour des cheveux pour femme : ainsi, la BD n’en est que plus passionnante ! Racines est un véritable bijou d’immersion dans ce monde et réussit la prouesse d’y insuffler humour et dramaturgie. Car il y autant de raisons d’en rire que d’en être choqué !