America

Miles Hyman, le plus frenchy des auteurs américains, est de retour dans un somptueux album édité chez Locus Solus : america, avec un petit « a », est une grande fresque de son Amérique. Son travail fascine toujours autant dans son jeu d'ombres et de lumières. Et quand le propos graphique est introduit par un texte bien senti de François Busnel, ce sont tous les États-Unis qui nous envahissent.

Des femmes, des hommes. De face, de dos, de profil. Sur un port, dans la campagne, au milieu de l'Amérique profonde. L'Amérique. America. Celle de Miles Hyman, brillant dessinateur invité et auteur de l'affiche du festival Etonnants Voyageurs, à Saint-Malo (le dessin de l'affiche fait partie de ce livre). Comme toujours, un travail sur les ombres et les lumières qui fascine. Qui scotche. Une façon de nous dire que l'Amérique, malgré ou grâce à ses contrastes extrêmes, n'est pourtant ni noire, ni blanche.

America © Locus Solus

Il est en effet impossible de rester binaire quand on décrit une telle étendue, une telle variété de paysages, des gens si différents d'un état à l'autre, d'un fleuve à l'autre, d'une classe sociale à l'autre. Alors Hyman introduit la dose de nuance nécessaire pour nous donner à voir son Amérique. America. Celle qu'on vit dans la posture et le regard de ces femmes et de ces hommes, ou de ces dessins plus personnels et mystérieux : ici un catcheur mexicain, là un lapin. Celle qu'on goûte au coin d'une de ces typiques terrasses couvertes en bois, paradis du rocking chair.

L'univers de Miles Hyman est onirique. Mais pas que. Il donne à voir, comme l''écrit brillamment François Busnel, qui signe un texte introductif bien senti de cinq pages, les lumières qui gardent l'Amérique du Nord en vie. Parfois sous perfusion, si l'on est dans la crainte de voir encore débouler un milliardaire qui les éteint en mettant les idées des autres et la démocratie sous cloche. Les lampadaires de la justice, sociale, et de la liberté d'expression au profit du port d'arme, du pognon et d'idées fascisantes rampantes, n'ont qu'à bien se tenir.

François Busnel est un grand connaisseur de l'Amérique. Il est notamment à l'origine d'une série de revues d'investigation journalistique nommée... America et publiée pendant le mandat de l'homme aux cheveux jaunes. Alors faisons le vœu, pour l'éternité, que cela soit le premier et dernier. Miles Hymans est Américain et n'a pas son pareil pour nous raconter son pays en dessin. La rencontre des deux hommes autour de ce titre paraissait donc une évidence, avant même de l'ouvrir. Elle l'est d'autant plus après l'avoir refermé. God bless America. Dieu bénisse l'Amérique ? Que l'on soit croyant ou non, tout est bon pour la sauver.