Ce troisième album du duo Goethals/Collin explore une nouvelle tranche d’histoire, cette fois en revenant sur les années où Action Directe menait son combat. Le récit relate les événements et s’attache particulièrement au rôle d’une taupe infiltrée dans l’organisation.
En 1974, à Toulouse, Gabriel Chahine, un artiste d’origine libanaise, croise la route de Jean-Marc Rouillan, qui deviendra l’une des figures d’Action Directe. Doté d’un grand charisme et d’une intelligence vive, Chahine se lie d’amitié avec Rouillan. Mais Chahine est un personnage complexe et mystérieux : cherchant à obtenir la nationalité française pour éviter de retourner au Liban, où il a déjà été blessé lors de conflits, il collabore avec les Renseignements Généraux. En quête de reconnaissance, il s’infiltre progressivement dans le groupe terroriste, leur proposant même de voler un tableau de maître, L’Escamoteur. Cette opération, coordonnée avec les forces de l’ordre, vise à capturer les activistes... mais les événements échappent vite au contrôle.
Sébastien Goethals, marqué par une enfance marginale près d’Avignon, a grandi dans un milieu antimilitariste. Lorsque, à 14 ans, il apprend qu’une proche de ses parents est arrêtée pour avoir hébergé des membres d’Action Directe, cet événement le frappe profondément. Bien des années plus tard, il propose ce sujet à Philippe Collin, producteur et auteur pour la radio et la télévision, habitué à traiter des thèmes historiques en podcast. D’abord réticent, en raison de la proximité de cette époque et de ses liens avec des personnes influencées par cette mouvance d’extrême gauche, Collin accepte finalement après quelques recherches. Ensemble, ils décident de raconter l’histoire du point de vue de Gabriel Chahine, acteur méconnu du grand public. Le duo mène alors une véritable enquête, rencontrant notamment la veuve de Chahine et des policiers impliqués dans sa traque.
L'escamoteur © Phlippe Collin et Sébastien Goethals aux éditions Futuropolis
Le livre se distingue par sa neutralité : les auteurs se concentrent sur une reconstitution fidèle des faits, sans prendre parti. La construction narrative est réussie, avec une alternance entre les scènes d’enquête des auteurs et de longs flashbacks qui plongent le lecteur dans les années Giscard et Mitterrand, révélant les dessous d’une époque fascinante.
Le trait nerveux et réaliste de Goethals s’accorde parfaitement au sujet. Le traitement graphique permet de différencier les époques : le présent est sans traits noirs, tandis que les scènes passées sont rendues avec des teintes spécifiques selon le contexte.
Un témoignage captivant.
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