Une vagabonde dont personne ne veut écouter les voyages. Une créatrice qui n'en finit pas de mettre ses oeuvres à mort. Une sorcière qui craint la magie et ses présages. Un élève hanté par l'ombre de son mentor. Une bête qui a oublié le chemin de la maison. Un fou à la cour comme un oiseau en cage. Un fanatique tourmenté par le silence de Dieu. A la cour, à la ville, dans la forêt, ils ignorent encore la nature de leur lien, et aucun ne se croise, et tous se croient seuls. L'enchâssement de leurs destins viendra pourtant sceller celui du Royaume. Marginaux perdus dans la nuit noire d'un pouvoir autoritaire, ils sont tous nés sous l'étoile des fugueurs. Marcel Shorjian nous donne à voir une époque cloisonnée par les liens vassaliques entre dominants et dominés et où l'individu n'existe pas encore. Adieu mon Royaume est une immersion baignée tout autant de poésie que de fureur qui, loin de fantasmer un passé révolu, questionne avant tout les limites...
Adieu mon Royaume
Éditeur : 6 Pieds Sous Terre
Dessin : Marcel ShorjianAuteur : Marcel Shorjian
Genres : Roman Graphique
Prix : 25.00€
- ZOO4.0
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Le synopsis de l'album Adieu mon Royaume
La critique ZOO sur l'album Adieu mon Royaume
« Quand je suis rentrée de ma quête, j’ai trouvé le monde changé. C’était bien mon royaume. Pourtant en ville, personne ne se souvenait de mon nom. Les lieux et les visages que je connaissais avaient disparu. Quand je demandais ma route, on me regardait curieusement. Mais comme face à un fou ou à un mendiant dans la foule, les yeux se détournaient vite. Personne ne voulait rien entendre de mes voyages. Alors du passé, je ne parlerai plus. »
Une tragédie grecque en plein Moyen Âge
Ces quelques phrases qui débutent « Adieu mon royaume » illustrent bien la tonalité du livre. Au cours de 8 tableaux respectant l’unité de lieu et de temps, 7 narrateurs racontent à tour de rôle leur histoire. Nous ne connaîtrons pas leur nom et ils ne dialogueront jamais entre eux. Considérés principalement à travers leur métier (le fou du roi, le chevalier, l’artiste), leurs pensées sont rapportées dans des cartouches faisant office de voix off. Dans ces monologues intérieurs permanents, ils s’attardent sur la condition humaine. Rarement acteurs de leur vie, ils constatent avec réalisme leurs propres faiblesses et la décrépitude du monde qui les entoure. Ce sentiment d’impuissance est d’autant plus fort que le lecteur sait que la fin de l’époque médiévale sonne le glas de leur fonction au sein la société.
Les récits s’enchaînent avec plaisir. Si l’action se déroule dans un Moyen Âge fantasmé, il convient de préciser que le cadre n’est pas celui d’un feuilleton traditionnel d’heroic fantasy à la « Seigneur des anneaux ». Pas de dragons donc, mais un peu de magie, un zeste de sorcellerie et quelques poils de lycanthrope. Les différents chapitres n’ont, a priori, pas de relation apparente, sinon de dessiner en creux le portrait du personnage le plus important, à savoir le monarque. Il faut attendre la dernière partie pour voir s’esquisser le lien entre les textes. Une seconde lecture permettra d’être plus attentif aux détails et aux symboles disséminés dans le décor, tissant des relations un peu plus complexes qu’il n’y paraissait au premier abord entre les protagonistes.
Adieu mon royaume © Marcel Shorjan - 6 Pieds Sous Terre
Côté graphisme, le dessinateur souligne habilement les états d’âme en s’attardant sur les visages, les regards, les mains et les corps meurtris. Certaines cases font bien évidement référence au travail des moines copistes. La plupart des planches sont constituées de quelques grandes vignettes facilitant la fluidité de la lecture.
Refusant le spectaculaire, Marcel Shorjan remporte brillamment son pari d’une bande dessinée chorale et introspective questionnant les mutations du monde. Son travail est logiquement salué par une nomination au Festival d’Angoulême.