Un pavé de neuf contes amoraux, liés par la présence de trois mystérieuses sœurs et leur bouc. Des sorcières, pour le meilleur et pour le pire. Un dessin clivant mais une maturité dans l’écriture et une mosaïque formant un tout marquant.
Il n’y a pas de morale à ces histoires plus ou moins longues courant sur plus de 370 pages. C’est comme un pied de nez : certains comportements masculins sont critiquables, mais les réponses apportées par les trois sorcières le sont également, même si l’une d’entre elles est plus optimiste sur le genre humain. C’est d’ailleurs souvent par ses actions que les problèmes surviennent. Elles ont une logique apparemment égoïste, même si certaines de leurs actions sont louables. Dans plusieurs récits, elles accueillent dans un orphelinat des jeunes garçons, mais dans un but peu catholique… La fin justifie-t-elle les moyens ?
Walicho © Sole Otero - Ça et là
Chaque récit est différencié par le choix de couleurs, les variations dans le style graphique. Les époques sont également différentes, courant depuis le XVIIIè siècle jusqu’à nos jours. Une des meilleures histoires a la forme du journal intime d’une pré-adolescente. Au fil des récits, des connexions apparaissent entre certains protagonistes. Par exemple, un fils adoptif des trois sœurs, adulte dans un récit sur une relation virtuelle envahissante, réapparait enfant dans un autre. Et sa sœur est au centre d’un troisième.
Notre histoire préférée est celle d’un quadra qui raconte à un pote comment les trois sœurs envoûtent des hommes pour en faire des étalons infatigables. Lui-même est tombé dans leurs rets. Les dialogues sont savoureux, l’histoire drôle et intrigante.
Sole Otero, Argentine, habite depuis plusieurs années à Angoulême. On n’est pas obligé d’être fan de son dessin volontairement déformé, avec des personnages à la large carrure et à la petite tête. Mais force est de constater qu’elle mène bien sa barque, alliant ici son goût pour les récits horrifiques à un féminisme très contemporain bien dosé.
Son choix de ne pas faire des trois sœurs des personnages trop positifs est une bonne idée. Leur ambiguïté les rend mystérieuses et c’est mieux ainsi.
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