Ce récit fictionnel est si bien documenté qu’il a l’air vrai. Nous découvrons une passionnante course contre la montre dans le Berlin dévasté de 1945 à la recherche d’une 3ème Kamera.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les photographes officiels du Reich, tels que le lieutenant Frentz, un personnage historique authentique ayant suivi Hitler, étaient équipés de deux appareils réglementaires. Mais certains possédaient un troisième appareil, officieux et échappant à tout contrôle. Avec ce boitier secret, ils immortalisaient des scènes que le régime préférait cacher, notamment des crimes perpétrés par les nazis eux-mêmes.
Alors que la guerre touche à sa fin, les Alliés se lancent dans une quête désespérée pour mettre la main sur ces clichés compromettants. Ces preuves visuelles sont cruciales pour les procès de Nuremberg, où il s'agit d'identifier les responsables des atrocités nazies et de les confronter à leurs actes. Ce contexte historique dense et terrifiant sert de toile de fond à une intrigue haletante, aussi bien documentée qu’intense.
Denis Rodier, le dessinateur québécois reconnu notamment pour son travail sur « La Bombe », signe ici une œuvre puissante. Habitué des comics américains — il a longtemps travaillé sur des icônes comme Superman —, il apporte son style structuré et son usage virtuose du noir à cette BD. Sa mise en page variée rythme habilement l’histoire, alternant entre des scènes d’action frénétiques et des moments de dialogue ou de contemplation plus posés. Rodier parvient ainsi à capturer l’essence d’une époque dévastée, rendant le récit à la fois immersif et crédible.

La 3e Kamera © Cédric Apikian et Denis Rodier aux éditions Glénat
Au scénario, Cédric Apikian démontre une fois de plus son talent pour raconter les conflits du passé sous un angle neuf. Après La Ballade du soldat Odawaa, une plongée dans la Première Guerre mondiale, il explore ici les méandres de la Seconde Guerre mondiale avec une précision documentaire impressionnante. Si son intrigue, bâtie sur des faits réels, est captivante, elle peut dérouter par ses ellipses narratives exigeantes. Les lecteurs doivent parfois redoubler d’attention pour ne pas perdre le fil, mais la richesse et l’intelligence du récit récompensent largement cet effort.
Ce livre parvient à mêler avec brio une intrigue fictive et un contexte historique rigoureusement documenté. La quête de la 3ème Kamera, au cœur d’un Berlin à l’agonie, offre une réflexion intéressante sur la mémoire, la vérité, et le rôle des images dans l’écriture de l’Histoire.