Les travailleurs de la mer

Les Travailleurs de la mer, roman de Victor Hugo paru en 1866, est un texte puissant, une quête amoureuse, un défi humain. Michel Durand l'a bien compris en adaptant cette œuvre magistrale dans une BD qui explose les codes graphiques. Son travail pictural est remarquable, dévoilant un coup de crayon talentueux qui livre une œuvre uniquement composée de hachures : c'est tout bonnement colossal. On dévore cette adaptation tout autant que le roman original.

"Son travail pictural est remarquable, dévoilant un coup de crayon talentueux qui livre une œuvre uniquement composée de hachures : c'est tout bonnement colossal." © Glénat, 2024 - Michel Durand

Le bateau La Durande est coincée entre deux piques rocheux de l'île de Guernesey, l'écueil Douvres. Il est littéralement suspendu au-dessus de la mer, au-dessus des hommes, au-dessus du temps. Son propriétaire, Mess Lethierry, promet la main de sa fille, Déruchette, à celui qui relèvera le défi d'aller décoincer son navire : l'enveloppe ne l'intéresse guère, mais il ne veut pas lâcher la machine à l'intérieur. Il faut dire que le cœur de la Durande est un moteur puissant, novateur et visionnaire.

Gilliat prend son courage à deux mains et relève le défi. Mais s'il parvient avec force et talent à ramener le bateau sur la terre ferme, la main de la belle Déruchette lui passe sous le nez : elle en aime un autre. Gilliat, en homme élégant, va faire preuve de la plus grande délicatesse.

Le roman de Victor Hugo, paru en 1866, est un texte d'une grande beauté et un roman d'aventures maritimes à nul autre pareil. Les Travailleurs de la Mer est une épopée maritime de renom, un manuscrit embrassé par les embruns et bercé par les flots qui secouent Guernesey, île anglo-normande où l'écrivain-poète s'exila avec sa famille, du 31 octobre 1855 au 15 août 1870.

"Le roman de Victor Hugo, paru en 1866, est un texte d'une grande beauté et un roman d'aventures maritimes à nul autre pareil." © Glénat, 2024 - Michel Durand

Michel Durand (Cliff Burton, Polar Extrême, Destins...) s'est de plus en plus intéressé à l'univers maritime dans ses dernières œuvres, comme dans le diptyque Ambre gris, débuté en 2016 chez Glénat à bord d'un baleinier du XIXe siècle. Plus récemment, il a sorti Les Pionniers de l'Arctique sur une mission de l'extrême très... glacée. Son dessin est ici totalement virtuose et titanesque : un album grand format de 152 pages en noir et blanc, uniquement fondé sur des hachures, était un défi aussi gros pour lui que celui d'aller décrocher La Durande pour le brun ténébreux Gilliat.

L'ensemble est à couper le souffle. Aucune surprise, vu le niveau narratif et graphique de ce titre, de le retrouver dans la Sélection Officielle du prochain Festival international de la bande dessinée d'Angoulême. C'est amplement justifié et largement mérité. Alors un conseil pour toutes celles et ceux qui n'auraient jamais lu le roman Les Travailleurs de la mer : une fois n'est pas coutume, commencez donc par la BD. Elle vous donnera à lire différemment le roman original. Avec un supplément d'âme, mais surtout des paysages marins à couper le souffle. Et une empreinte graphique inscrite jusque dans les profondeurs tumultueuses de la Manche.

"L'ensemble est à couper le souffle. Aucune surprise, vu le niveau narratif et graphique de ce titre, de le retrouver dans la Sélection Officielle du prochain Festival international de la bande dessinée d'Angoulême." © Glénat, 2024 - Michel Durand