Minuit passé

Après deux très beaux albums, Les fleurs de grand-frère et Le jardin, Paris, Gaëlle Geniller revient nous séduire avec cet émouvant conte pour insomniaque rêveur. Les errances quotidiennes d’un homme et son fils au cœur du manoir familial, légèrement hanté sur les bords.

Sur les conseils de ses trois sœurs, Guerlain retourne vivre, avec son jeune fils Nisse, dans la propriété ou il a grandi, en attendant d’être rejoint par sa femme. Étrangement, il ne garde aucun souvenir de cette enfance ou il ne prononçait aucun mot, ne s’exprimant que par le langage des fleurs que lui avait enseigné sa sœur Sambelline. Et bien que cette période fût très heureuse, rythmée par les mille et une attentions que lui promulguaient ses ainées, le petit garçon semblait hanté par de mystérieuses ombres qui l’observaient en silence, le soir venu.

Guerlain entame une douce recherche du temps perdu © Minuit passé - Gaëlle Geniller, éditions Delcourt

Les années ont passées et maintenant qu’il est de retour, adulte, Guerlain s’aperçoit que lentement ces présences reviennent, d’abord par les yeux de son fils puis directement devant lui. Il s’interroge sur la nature de ses souvenirs, redécouvre un vieil herbier qu’il façonna, alors qu’il n’avait qu’à peine sept ans et progressivement, avec l’aide de Nisse, de trois mystérieuses corneilles qui leur servent de guides/soutiens, il entame une douce recherche du temps perdu.

Mémoire vive

Dans ce lent et subtil périple intimiste, le récit semble s’inscrire dans une sorte de moment de transition dans la vie des personnages. Une attente avant que l’épouse ne vienne rejoindre son mari et son fils. L’écriture est donc pleine d’aération, elle virevolte du passé au présent, évoquant des scénettes ou le jeune Guerlain joue avec ses sœurs adultes qui le cajolent dans cette demeure, empreinte d’une longue histoire familiale, ou encore des moments de complicité entre le père et le fils, tout en glissant deçi delà des touches de mystère.

Dans ce lent et subtil périple intimiste, le récit semble s’inscrire dans une sorte de moment de transition dans la vie des personnages. © Minuit passé - Gaëlle Geniller, éditions Delcourt

Le style est évocateur, à la fois émouvant et fin, en phase avec le traitement graphique qui reste juste, sans trop en faire, mais avec ce qu’il faut de bonnes petites idées de cadrage, de mise en scène, de tout ce qui participe à créer un cadre à la fois rassurant et propice aux réflexions.

Quelle peut être la nature de ces ombres, que signifient elles ? Un album qui se savoure, tout en gardant quelques secrets dans sa manche.

Article publié dans le Mag ZOO N°101 Novembre-Décembre 2024