Le 14 septembre 1940, 15 hommes sont conduits à El Terrer, près de Paterna, vers Valence. Ils sont sommairement exécutés, puis enterrés dans une des fosses communes du village, loin des leurs. 70 ans plus tard, on peut enfin les exhumer…
À la fin des années 30, une des premières décisions du régime franquiste est de se débarrasser de ses adversaires républicains qui sont dorénavant considérés comme nocifs pour le pays. Commence ainsi une longue et terrible purge qui va faire entre 150 000 et 200 000 victimes, balancées pour la plupart au fond de fosses communes anonymes qui n’ont à ce jour pas été encore toutes répertoriées.
Un calvaire résolu
Nous suivons ainsi Pepita Celda, dont le père, José, s’est un jour fait arrêter par la milice, sur simple dénonciation arbitraire, pour être condamné à la peine de mort, sans autre forme de procès. Alors qu’elle est devenue une vieille dame, elle entreprend un long et éprouvant combat administratif pour que les restes de son père puissent rejoindre ceux de sa femme. Elle ne se doute simplement pas qu’elle va devoir affronter des instances réfractaires, pressées d’oublier les exactions honteuses du passé, quitte à faire traîner la moindre procédure. Ce véritable parcourt du combattant va néanmoins permettre aux deux auteurs, Rodrigo Terrasa et Paco Roca de mettre en évidence ce malaise national vis-à-vis des victimes du franquisme, mais aussi l’émotion vive qui est profondément ancrée au cœur des générations suivantes qui, non seulement, sont restées des victimes de ce régime répressif, mais en plus n’ont pu faire le deuil de leur mort.
Extrait d'une planche de l'Abime de l'oubli © Paco Rosa - Delcourt
À partir de petites séquences où s’entremêlent le passé et le présent, nous découvrons donc le parcours de José et de sa famille, l’évolution historique de cette réhabilitation des victimes et les recherches « archéologiques » entreprises par l’équipe qui s’occupe justement de la fosse où se trouve le corps de José.
L’émotion est palpable à chaque page, la finesse de l’écriture, la justesse des dessins, tout participe à une évocation mélancolique et dramatique qui met l’accent sur la nécessité d’une mémoire restaurée, d’un pays qui doit rendre hommage à ses morts.
Un album bouleversant.
Article publié dans le Mag ZOO N°102 Janvier-Février 2025