1942, descente des nazis dans le ghetto de Kovno, en Pologne : son nouveau-né dans les bras, une jeune femme regarde autour d'elle, hagarde. Bessie K : « Je tenais le bébé, et j'ai pris mon manteau, et j'ai emballé le bébé, je l'ai mis sur mon côté gauche car je voyais les Allemands dire "gauche" ou "droite", et je suis passée au travers avec le bébé. Mais le bébé manquait d'air et a commencé à s'étouffer et à pleurer. Alors l'Allemand m'a rappelée, il a dit : "Qu'est-ce que vous avez là ?" Je ne savais pas quoi faire parce que cela allait vite et tout était arrivé si soudainement. Je n'y étais pas préparée (...) Il a tendu son bras pour que je lui tende le paquet ; et je lui ai tendu le paquet. Et c'est la dernière fois que j'ai eu le paquet. » C'est l'un des nombreux témoignages de survivants des camps de la mort recueillis par Annick Cojean, grand reporter au Monde depuis plus de quarante ans. Elle reçoit en 1996 le prix Albert...

Les mémoires de la Shoah

Tamia Baudoin, Annick Cojean, Théa Rojzman
Éditeur : Dupuis
Scénario : Annick CojeanDessin : Tamia Baudoin, Théa RojzmanColoriste : Tamia Baudoin
Prix : 25.00€
- ZOO
4.0
Scénario
4.0
Dessin
4.0
- Lecteurs0 critique
Le synopsis de l'album Les mémoires de la Shoah
Le travail journalistique d'Annick Cojean, prix Pulitzer, retracé dans une BD aspirante
Il y a trente ans, Annick Cojean, grand reporter au Monde, mène un remarquable travail de mémoire en investiguant sur le traumatisme de la Shoah. Dans cette BD aspirante, Théa Rojzman les met en lumière au fil d'un scénario costaud. Chaque étape graphique nous amène à nous interroger un peu plus sur les plaies béantes que le nazisme a laissé sur sa route. Cette bande dessinée est là pour s'en souvenir, encore et toujours. Encore plus en cette période trouble de désordre mondial.
Peut-on se remettre d'avoir survécu aux camps de la mort ? D'y avoir perdu ses proches, son âme, son sang ? Des décennies après, quel héritage ont laissé les nazis et leurs victimes à leurs descendances ? Comment les générations suivantes ont-elle encaissé le choc de la Shoah ? C'est à toutes ces questions et bien d'autres encore auxquelles a voulu répondre Annick Cojean, grand reporter au Monde.
Il y a trente ans, en 1995 pour le cinquantenaire de la libération des camps d'extermination, elle a publié Les Mémoires de la Shoah, un travail de témoignage profond et puissant dont cette fine plume bretonne a le secret. Pour les 80 ans, en cette année 2025, sort cette BD percutante adaptée de son travail. Déjà couronné du prix Albert-Londres, il ne lui manquait qu'une mise en image.
Les mémoires de la Shoah © Dupuis
Le travail d'écriture de Théa Rojzman est d'une grande finesse et le dessin de Tamia Baudouin emprunt d'une grande humanité. Toute la souffrance, indescriptible, prend corps dans leur travail fouillé et très abouti. Sans fard.
La mise en image du travail de terrain de la journaliste est rythmé par la violence des souvenirs, la persistance de l'horreur et l'intensité constante du traumatisme. Les coulisses dans la rédaction du Monde dévoilent une reporter tenace, en quête de vérité. Impossible, dès lors, de ne pas donner la parole aux descendants des nazis : être un bon journaliste, c'est donner à voir dans son ensemble, par plusieurs prismes. Quitte à croiser le pire.
Les témoignages se succèdent sans lourdeur jusqu'à construire un ensemble mémoriel illustré. Une fois la BD refermée, reste la puissance du propos, enluminée par la finesse graphique de la dessinatrice. Un livre précieux et une lecture essentielle au moment même où le désordre international s'amplifie et où la démocratie se délite. Que l'homme a la mémoire courte.
