Suzanne Valadon sans concession

L'histoire de l'art, comme pour d'autres femmes, l'a longtemps passée sous silence. Mais désormais, avec une exposition consacrée au Centre Pompidou (ouverte jusqu'en juin 2025) et ce vibrant roman graphique (au vrai sens du terme), sa mémoire et son art sont réhabilités dans son pays, la France. Suzanne Valadon n'a pas fait le moindre compromis dans ses œuvres. Voici son histoire, retracée avec pertinence par Flore Mongin et sensiblement illustrée par Coline Naujalis.

C'est l'histoire d'une petite fille, Marie-Clémentine. Née d’un père inconnu durant la seconde moitié du XIXe siècle, elle noirci ses premiers dessins avec des bouts de charbon sur les trottoirs de Montmartre où elle grandit, et deviendra artiste. Mais avant, une fois adulte, celle dont les yeux bleus pailletés troublaient tous les regards qui la croisaient, devient d'abord modèle pour les plus grands, Renoir en tête.

Puis elle bouscule son destin car, elle le sait, elle est faite pour être artiste. Marie-Clémentine observe attentivement ceux qui la croquent. Tant et si bien que, celle qui deviendra « la Valadon » fera montre d'une maîtrise extraordinaire de la technique. Même Degas, à qui la jeune femme hésite longuement à aller se confronter, manque de tomber de sa chaise : il n'en revient pas que cette artiste énigmatique ait atteint un tel niveau artistique en apprenant seule, en autodidacte, sur le tas.

" Marie-Clémentine observe attentivement ceux qui la croquent. Tant et si bien que, celle qui deviendra « la Valadon » fera montre d'une maîtrise extraordinaire de la technique. " © Seghers – Arte éditions, 2025 - Mongin et Naujalis

Ce livre illustré raconte cette belle épopée humaine et artistique. Comme le documentaire éponyme diffusé depuis mars 2025 sur Arte.tv, il a été écrit par Flore Mongin et dessiné par Coline Naujalis. Le documentaire filmé, aussi réussi que ce livre (les deux supports sont vraiment complémentaires et il serait dommage de faire l'impasse sur l’un des deux pour vraiment comprendre qui était Suzanne Valadon), reprend en images animées des extraits du roman graphique.

On y découvre comment l'art de Maurice Utrillo, le fils de Suzanne Valadon, malade de la tête et de l'alcool, a pris le dessus chez les gens d'influence, jusqu'à totalement occulter celui de sa mère, qui n'a jamais cessé de s'occuper de lui jusqu'à sa mort. En filigrane, c'est la folie et l'angoisse dans laquelle il l’a plongée qui est décrite dans ce livre. On y décèle aussi combien cette femme était libre et incapable du moindre compromis dans son expression artistique. Son unique objectif était d'être reconnue en tant qu'artiste, et surtout pas parce qu'elle était une dame. Mais quelle dame.