Thomas Lavachery et Thomas Gilbert unissent à nouveau leurs talents pour une enquête policière sur l’île de Pâques, site hors norme, prétexte à la rencontre de personnages marquants, complexes et attachants. A lire absolument.
Quelle belle réussite ! L’île de Pâques est à la fois un espace de liberté (à première vue) au bout du monde et le lieu parfait pour un huis-clos. Il y a eu un meurtre. La victime est un Anglais, responsable de l’important élevage de moutons de l’île. Le coupable est forcément un insulaire. Pâques étant sous domination chilienne (nous sommes en 1933), le président du Chili dépêche sur place l’élite de la police : l’imposant inspecteur Valverde. Opiniâtre, mélomane et obèse.
Ce qui aurait pu être un simple « Whodunit » se révèle être un formidable récit. Les statues géantes de l’île de Pâques frappent l’imaginaire, bien sûr, mais nous connaissions déjà leur existence. En revanche, nous ignorons tout des Pascuans, les « natives ». Habitants historiques, certes, mais parqués dans la partie la moins hospitalière de l’île. Les bonnes terres ? Elles sont réservées à l’élevage de moutons gérés par une compagnie anglaise.
Dans sa recherche de la vérité, Valverde va faire la connaissance des notables de l’île, chiliens et anglais, ainsi que de quelques Pascuans. Les auteurs nous font découvrir notamment un groupe de lépreux pascuans, l’occasion de moments très forts avec l’enquêteur. Et les autres personnages ne laissent pas non plus indifférent ; loin de là ! Toutes les rencontres sont marquantes. Le rythme est mesuré sans être lent, laissant le temps de bien nous imprégner de l’atmosphère, de ce que chaque protagoniste dégage. Solaire, ambigu ou tragique.

" L’île de Pâques est à la fois un espace de liberté (à première vue) au bout du monde et le lieu parfait pour un huis-clos. " © Rue de Sèvres, 2025 - Gilbert et Lavachery
Thomas Gilbert représente les décors avec sa patte qui donne parfois l’impression d’être sur une autre planète. Parfait pour l’ambiance sourde du récit. Valverde nous frappe avec son regard jaune, comme celui d’un gros matou qui fixe sa proie. Un chat obèse mais agile quand il s’agit de danser ou de découvrir la vérité qu’on veut lui cacher.
Thomas Lavachery s’est inspiré du séjour de son grand-père sur l’île en 1934-35 ; il nous raconte cela à la fin du livre. Il a été bien inspiré !