Fantastic Four : Molécules instables

Et si, derrière les célèbres Fantastic Four, se cachaient en réalité le profil de quatre personnes réelles : un scientifique distant, une femme délaissée, un amoureux transi et un ado rebelle ? James Sturm et Guy Davis imaginent une nouvelle fiction introspective plus troublante.

Le premier épisode de Fantastic Four, créé par Stan Lee et Jack Kirby, a été publié en novembre 1961. Il marque véritablement les débuts de l’univers Marvel tel que nous le connaissons aujourd’hui. Composée initialement du couple Reed Richards et Sue Storm, qui s'apprêtent à convoler en justes noces, du frère cadet de Sue, Johnny, et du fidèle ami Ben Grimm, cette équipe va longtemps incarner, malgré quelques dissensions, le modèle idéal de la famille Marvel, par excellence, obligée de trouver un équilibre entre vie privée, professionnelle et publique.

Au-delà des masques

Cependant, avant d’être des super-héros qui parcourent le cosmos, les Fantastic Four demeurent principalement des individus confrontés à leur époque, à leurs sentiments et à leurs incertitudes. Sturm et Davis s’interrogent alors sur ceux qui pourraient avoir été leur modèle dans une prétendue « vraie vie », créant une fausse réalité qui va leur permettre de poser un regard sans concession sur l’American Way de la fin des années 50, cette représentation d'une famille ancrée derrière un prisme moral qui commence peu à peu à se désagréger.

Extrait de la bande dessinée Fantastic Four – Molécules instables de James Sturm et Guy Davis, réinterprétation intimiste des héros Marvel, publiée chez Panini Comics© Panini

Il ne s’agit donc pas réellement de l'histoire des Fantastic Four avant les Fantastic Four, mais d'une fiction imbriquée dans la fiction où les auteurs prétendent avoir découvert, à travers de faux extraits de livres, la trace de diverses personnes portant plus ou moins le même nom que dans le comics (Sue et Johnny Storm devenant simplement les Sturm) et qui auraient inspiré Lee et Kirby lors d’une soirée mouvementée.

Reed est un intellectuel qui ne pense qu’à son travail, Sue, une femme au foyer qui s’ennuie au milieu de ses voisines cancanières à la mentalité étroite, Johnny est un ado fatigué de sa sœur devenue son substitut maternel, tandis que Ben, plus terre à terre, dirige une salle de sport en regrettant de n’avoir jamais déclaré sa flamme à Sue. À partir de ce canevas sentimental, le scénario s’articule au rythme des pensées des uns et des autres, des petites frustrations de la vie et leurs diverses prises de conscience, tandis que tout se disloque au fur et à mesure autour d’eux.

Pas de voyage en fusée ici, ni de rayons cosmiques, ni de pouvoirs extraordinaires, juste des Américains finalement assez ordinaires, qui ne se rêvent pas en héros sauvant la Terre. Un récit touchant et d’une grande modernité qui interpelle sur le modèle représenté par cette famille héroïque.

Article publié dans le mag ZOO n°105 Juillet-Aout 2025