Kennedy(s)

Un roman graphique d’une ampleur rare, entre biographie et fresque historique. Pelaez et Khattou signent une œuvre dense, documentée et visuellement magistrale. Une réussite qui hisse la bande dessinée biographique à un niveau d’excellence.

Cet imposant album — près de 500 pages — retrace la grande saga de la famille Kennedy. L’histoire débute en 1850, avec l’arrivée de Patrick Joseph Kennedy à Boston. D’origine irlandaise et fils de fermier, il quitte son pays natal pour tenter sa chance aux États-Unis. Rapidement marié à une compatriote immigrée, il aura trois filles et un garçon, Patrick Joseph Junior surnommé PJ, avant de mourir prématurément.

Ce fils, ambitieux et travailleur acharné, débute modestement mais gravit rapidement les échelons de la société. Profitant de la forte immigration irlandaise à Boston qui préfère voter pour une personne issue de leur communauté, il se lance dans la politique, d’abord élu à la Chambre des représentants, puis au Sénat. De son mariage avec Mary Augusta Hickey naît Joseph Kennedy, personnage central de l’ouvrage.

Au fil de sa carrière, PJ se lie d’amitié avec le maire de Boston, John Francis Fitzgerald. Le mariage de leurs enfants, Rose Elizabeth Fitzgerald et Joe Kennedy, donnera naissance à neuf enfants, dont plusieurs deviendront des figures publiques majeures : John, Bobby et Ted.

Le livre s’attarde principalement sur Joe Kennedy et ses enfants, notamment sur l’assassinat de John, événement marquant de l’histoire américaine.

Philippe Pelaez a consacré de nombreuses années à la rédaction de cette véritable « bible » consacrée à l’une des familles les plus célèbres des États-Unis. À la fin de l’ouvrage, il recense une impressionnante quantité de sources — livres, émissions de télévision et de radio — qui ont nourri son travail. Initialement, il souhaitait se concentrer sur John Kennedy, mais ses recherches l’ont amené à comprendre que la réussite du fils trouve ses racines dans l’ambition farouche du père.

On découvre ainsi comment John a été façonné dès son enfance, porté par la détermination d’un père issu d’une lignée d’immigrés, décidé à hisser ses enfants au sommet. L’assassinat de John reste un traumatisme collectif, et le mystère qui l’entoure continue de fasciner. Le scénario, dense mais jamais ennuyeux, est d’une grande précision — une œuvre remarquable.

Le dessin, signé Bernard Khattou, est entièrement en noir et blanc. Son style réaliste et élégant donne vie aux personnages avec une grande justesse. Réalisée sur près de trois ans, cette fresque témoigne d’un travail titanesque : restituer un siècle d’histoire et une multitude de figures publiques a exigé une documentation considérable.

Khattou, déjà reconnu par un public averti pour ses précédents ouvrages, franchit ici un cap décisif.

Cet album hors norme séduira non seulement les amateurs de bande dessinée, mais aussi tous ceux qui souhaitent mieux comprendre l’histoire et les racines de cette famille mythique